Le harnais de la sagesse

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif)Président fondateur de PMP et fondateur de Youmeo

Les Editions Diateino ont eu la bonne idée de traduire le livre de Navi Radjou, «  From smart to wise » (2013), paru cette semaine, et devenu «  Donner du sens à l’intelligence – Comment les leaders éclairés réconcilient business et sagesse ».

C’est vrai qu’il n’est pas facile de trouver ces « leaders éclairés ».

La préface de l’édition américaine évoquait déjà les scandales de notre XXIème siècle : Enron, les subprimes, Bob Diamond ( le CEO de Barclays Bank impliqué dans le scandale du LIBOR , accusé de manipulation des taux du LIBOR par des traders de sa banque), Rajat Gupta, PDG de Mc Kinsey, accusé de délit d’initié.

L’édition française n’a pas eu besoin d’aller chercher très loin : Dominique Strauss-Khan, Michel Platini, Dilma Roussef. Des institutions comme Volkswagen, la FIFA, les laboratoires Servier, sont dans des affaires. Et maintenant les « Panama papers ».

Oui, décidément quand on parle des leaders, on pense à ces affaires. Pas facile d’être « smart » (traduit par « intelligent » dans l’édition française).

Alors Navi Radjou et son co-auteur, Prasad Kaipa, en sont convaincus, et le disent avec une jolie formule :

« Pour apprivoiser l’intelligence et la faire se plier à votre volonté, il faut lui passer le harnais de la sagesse ».

L’édition française apporte un complément intéressant dans la préface puisque les auteurs nous expliquent pourquoi nous manquons de leaders « smart and wise » (intelligents et sages). Ils ont identifié cinq raisons. Allons-y voir.

  1. Les opinions tranchées, plutôt extrêmes, ont la côte. Cela fait viril, cela permet d’être admiré pour son intelligence. Alors que ceux qui essayent de concilier les points de vue sont plutôt des « faibles et irrationnels ».
  2. Le changement climatique représente une menace pour la pérennité de nombreuses entreprises, mais cela n’empêche pas de nombreux leaders à nier la responsabilité de l’Homme dans cette crise. Ils restent dans le modèle où consommer toujours plus de ressources pour générer plus. Pourtant ces entreprises vont aussi découvrir l’innovation frugale », « créer plus avec moins ».
  3. Le rythme effréné des innovations technologiques. On ne sait plus où donner de la tête entre les l’intelligence artificielle, la robotique, les objets connectés. Cela soulève des questions éthiques nouvelles : la technologie doit-elle laisser la raison (le logos) prendre toutes les décisions, ou laisser sa place à conscience ou l’éthique (l’ethos) ? 
  4. Les inégalités sociales : elles atteignent un niveau record. Il va donc falloir adopter des approches plus inclusives qui ne laissent personne de côté.
  5. L’implication des employés dans leur travail est plus faible que jamais : La productivité stagne, les employés, surtout ceux de la génération Y ou Z , sont peu motivés car ils ne trouvent pas assez de sens dans leur travail.

Ces cinq raisons justifient pour les auteurs de transformer le leadership : il ne suffit plus d’être intelligent. Il faut trouver aussi la sagesse.

C’est ce à quoi ce livre veut servir : trouver la sagesse. Comme une éthique du leadership.

Cela nous ramène à Aristote. Car cette notion d’éthique n’est finalement pas très bien connue, même par Navi Radjou et Prasad Kaipa. Autant aller directement à la source.

Pour Aristote, l’Ethos est une certaine qualité de l’âme, et l’éthique est l’étude des caractères ou des mœurs.

L’ethos est la relation entre le désir et la pensée intellectuelle. C’est la qualité de notre désir en tant qu’il suit, ou ne suit pas, la raison. C’est pour Aristote la raison qui dit ce qui est bon, c’est-à-dire bénéfique, et ce qui est mauvais, c’est-à-dire nuisible. Quand la raison est dans le vrai et que le désir se met dans la suite de la raison alors nous sommes vertueux ; Si la raison est dans l’erreur, et inverse le bon et le mauvais, alors le désir se fourvoie, c’est alors que la personne est vicieuse.

C’est ainsi que la sagesse et l’éthique selon Aristote consiste à accorder nos désirs selon la raison. Nous vivons une lutte entre le désir et la raison. Si la raison l’emporte, nous sommes dans une situation de maîtrise, de tempérance. Si le désir l’emporte, nous sommes en situation de manque de force, d’intempérance, voire de vice.

Trouver la sagesse, c’est finalement trouver le bon équilibre entre la raison et le désir.

Ce message n’est pas explicite dans le livre de Navi Radjou et Prasad Kaipa, mais il nous aide à le decrypter.

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