Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG (Institut du Temps Géré), premier groupe de conseil en portage salarial.
Crise ou pas crise, la création ou le développement d'une entreprise obéit à des règles incontournables si elle veut durer. Par exemple, en matière de prix, on aura soit de très petits prix avec de très gros volumes vendus soit des bons prix avec une distribution réduite. L'économie d'une activité solo telle que la pratiquent les professionnels "portés", avec des prestations essentiellement intellectuelles, est assez différente, car elle exige une très forte qualité de service et ne peut pas s'industrialiser.
Chez un entrepreneur débutant, la tentation existe de vouloir proposer des petits prix pour très peu de clients, voire un prix très faible pour obtenir un premier client. Hélas, c'est la promesse de rester petit, … avant de sombrer un jour ou l'autre. Et avant même de proposer un "low price", il y a tous ceux qui imaginent leur future entreprise à partir d’un modèle "low cost", en essayant par tous les moyens d'éviter les frais, les investissements, les charges.
Il est assez frappant d'entendre les réactions des apprentis entrepreneurs dans deux situations courantes : créer son entreprise individuelle sous régime d'auto-entrepreneur ou la créer via le portage salarial. Dans les deux cas, en réunion d'information, on voit bien qu'ils pensent d'abord coût de revient au lieu de prix de vente. Les questions tournent autour de : "combien de cotisations, d'impôts ? dans quelles conditions je peux avoir l'aide à la création ? (cas de l'entreprise individuelle) ou "pourquoi toutes ces cotisations sociales ? est-ce que j'aurai de nouveaux droits au chômage ?" (cas du portage salarial).
Un raisonnement bien différent chez les vrais entrepreneurs, sûrs de leurs produits ou services, clairs avec leurs prix, tarifs ou barèmes. Ils savent bien que les entreprises sont très méfiantes et réfléchissent à deux fois avant de signer une mission, une prestation ou une intervention proposée par un solo ou une petite entreprise de conseil. Leur choix se portera de préférence sur un prestataire connu, qui s'est fait une réputation, indépendamment de son statut, plutôt que sur un entrepreneur "low cost". C’est pourquoi l'auto-entrepreneur ainsi que l'intervenant s'abritant derrière le portage salarial ont du mal à (se) vendre et à être crédibles.
Lorsque le prix bas devient le critère principal pour le client, au bout du compte il en a pour son argent, parfois bien moins. Comme ces formateurs dont les prestations sont bradées et qui finissent par ne plus avoir de cœur à l'ouvrage et produisent une piètre qualité de service. Comme ces faux graphistes, simples intermédiaires, qui proposent des logos, têtes de lettre et autres supports "low cost". Au final, dans nos métiers, le "low cost" conduit inévitablement à fournir du "low service", ce qui contribue à de la "low économie".
Même si je ne pense pas qu'on puisse tirer des leçons complètement transposables, il est bon de se souvenir de quelques-unes des obsessions de Steve Jobs qui vient de nous quitter. Par exemple, la passion pour ce qu'on propose, la perfection du service et de l'exécution de la prestation. Autre exemple, ne pas confondre la valeur d'un produit avec son prix : le client achètera un produit avec beaucoup de valeur (plaisir, usage, etc.) même s'il est plus cher qu'un produit sans signe distinctif.