Par Olivier Verot (contributeur exclusif) – Marketing en Chine
Le
marché de l’agroalimentaire en Chine est en plein essor. Estimé à plus de 140
milliards de dollars en 2011 il connait une croissance annuelle d’environ 13%.
Aujourd’hui la Chine présente de nombreuses opportunités pour les entreprises
européennes et particulièrement
françaises du secteur agroalimentaire. Nous allons dans cet article étudier les
opportunités que représentent le marché chinois pour l’agroalimentaire
français : ses causes et les stratégies pour en tirer profit.
Etat des lieux de
l’agroalimentaire en Chine :
Quelques chiffres permettent de se faire une idée des enjeux du secteur
agroalimentaire chinois :
- La population chinoise est d’environ 1 milliard
373 millions d’habitants soit 20% de la population mondiale
- Seulement 9 % de l’eau potable disponible est en
Chine
- 7 % des terres arables mondiales sont en Chine.
C’est très peu surtout lorsque l’on prend en compte que 1% de ces terres arables chinoises disparaît
chaque année en raison de l’urbanisation et que 15% sont polluées aux métaux
lourds.
- 1 cochon sur 2 est chinois. La Chine. En Chine
le porc représente 65 % de la viande consommée. Mais la demande connaît une
telle hausse et la production porcine chinoise n’arrive pas à faire face.
- 80% des chinois
estiment que la sécurité alimentaire s’est dégradée.
Ces
quelques chiffres mis ensemble forme l’équation qui fait que la demande
alimentaire explose en Chine et bute sur les limites de la production chinoise.
Malgré une politique agricole forte l’autosuffisance chinoise n’est pas
garantie. La Chine sera de plus en plus dépendante de l’extérieur. Si la consommation chinoise dans
l’agroalimentaire augmente quantitativement
(de 2000 calorie/hab/j en 1960 à 3000 calories/hab/j aujourd’hui) elle
évolue aussi qualitativement avec des changements de comportements des chinois
en matière d’alimentation. La transition nutritionnelle a été rapide en Chine
avec l’émergence de la classe moyenne : entre 1980 et 2010 la consommation
de viande par habitant a été multipliée par 4, celle de lait par 10 et celle de
fruits et légumes par 3.
La
FAO estime que la consommation alimentaire va rattraper le niveau des pays
développés et passer de 3 000 à 3 300 kcal par habitant en 2030, soit une
augmentation de 0,3 % par an. La consommation de viande atteindrait près de 70
kg en 2030 en moyenne par personne et par an, rattrapant progressivement le
niveau occidental moyen actuel. Plus
d’informations sur cet article
Une problématique
essentielle qui détermine le marché de l’agroalimentaire en Chine : la
question lancinante de la sécurité alimentaire
Crise sanitaire porcine de 2007, scandale du lait à la mélanine, des huiles
de cuisson illicites (« Di Gou You »), impact des pesticides,
controverse autour des OGM… tous ces scandales ont suscité de fortes méfiances.
De fait la filière agroalimentaire chinoise n’est pas encore au niveau des
standards européens. Les personnels agricoles ne sont pas assez formés et les
chaînes de production sont difficiles à maîtriser de bout en bout, comme dans
le porc et le lait. Ces problèmes font souvent la une des médias chinois. Cela
est une opportunité pour les entreprises françaises de l’agroalimentaire qui
veulent attaquer le marché chinois pour exporter, sourcer, produire pour le
marché local ou offrir des services de restauration. Encore faut-il qu’elle
adopte une stratégie adaptée.
Quelles stratégies
pour les entreprises agroalimentaires et les entrepreneurs français en
Chine
Pour
de nombreux marchés les forces et les opportunités dépassent les risques. C’est
le cas du secteur du vin et des spiritueux où certains produits français comme
les vins de Bordeaux, le Champagne ou le Cognac, bénéficient d’une image de
marque liée au luxe en Chine. La France est ainsi le leader étranger sur le
marché chinois des vins et se positionne sur les vins les plus chers. La Chine
est désormais à la septième place dans la consommation mondiale de vin. Les
consommateurs chinois ont confiance en la qualité et la sécurité sanitaire des
produits et ce sont des axes de
communication que les entreprises françaises devront mieux exploiter. Que ce
soit les producteurs de vin ou d’huile l’argument du « French
Paradox » (argument santé) doit être systématiquement exploité.
En
effet la concurrence est féroce dans le marché chinois de l’agroalimentaire
reste un marché encore jeune avec une faible diversité de l’offre. Dans le secteur
du vin, les produits américains, chiliens et australiens gagnent des parts de
marché car ils sont moins chers et surtout bénéficient d’un meilleur marketing
adapté aux goûts locaux. Trop de jeunes entrepreneurs français croient à tort
qu’il le suffira de se reposer sur la qualité de leurs produits jugés
« uniques » et ne se soucient pas assez de marketing. Or dans le
secteur agroalimentaire où règne une certaine opacité il y a une prime aux
marques. Les produits français partent
avec une avance en terme de notoriété alors qu’il ne la perde pas à cause d’un défaut des
entrepreneurs français : leur manque d’attrait pour le marketing. Les
produits agroalimentaires importés sont considérés en Chine comme des produits
de luxe. Ils sont souvent utilisés comme cadeaux. Cela renvoie à la notion de
« face » (Mianzi en chinois), d’honneur et de dignité. Cette culture
influence profondément la consommation de produits agroalimentaires importés.
Le branding et le packaging devront donc être bien pris en compte et adapté au
marché chinois par les professionnels français de ce secteur.
Un point également où l’agoalimentaire français devra combler un retard est
l’implantation en Chine. Pour réussir à vendre sur le marché de masse chinois,
il faut y être présent par des implantations de production. Or les industries
agroalimentaires françaises, en dehors de Danone et Bongrain, sont encore assez
peu implantées en Chine.
Une
bonne initiative récente a été celle de Moët Hennessy, la branche vins et
spiritueux du groupe de luxe LVMH, qui a lancé une joint-venture pour la
production de vin pétillant haut de gamme dans le nord-ouest de la Chine.
De
nouveaux marchés de niche restent aussi à explorer en Chine tel que la
restauration haut de gamme, l’alimentaire bio et la charcuterie fine. Longtemps
marginaux ces marchés pourraient bénéficier d’un assouplissement de la
législation. La reconnaissance par Pekin des labels bios européen est en cours
et la charcuterie française se prépare à être enfin autorisée en Chine et à
rivaliser avec ses concurrents italien et espagnol déjà bien implantés dans le
pays. Les industriels français avaient
déjà installé en 2009 un élevage clé en main à Handan dans le Hebei mais il
manquait un maillon à leur chaine: la charcuterie. Ceci sera la prochaine étape
du développement français dans la fillière porcine où le savoir-faire technique
hexagonal est reconnu et respecté.
Conclusion :
De grandes incertitudes demeurent encore sur l’avenir du
secteur agroalimentaire en Chine.
Les
catastrophes environnementales, les déséquilibres sociaux ou encore les
problèmes sanitaires pourraient bien mettre en péril son autosuffisance
alimentaire, obtenue à grands frais, mais qui reste fragile ou encore modifier
rapidement la structure de consommation chinoise dans les années à venir.
Mais en tout état de cause la formule gagnante
pour tous les professionnels du secteur de l’agroalimentaire qui souhaiteraient
s’implanter en Chine devrait être la suivante : investir dans leur marque
à l’aide de stratégie marketing adapté au marché chinois et favoriser les
alliances intersectorielles. A ces conditions l’agroalimentaire français à tous
les atouts pour pouvoir se faire une place de choix dans le marché chinois
encore en pleine mutation.