Le portage salarial, pas n’importe comment

 Photo Patrick Rey by JLChaumet 600pixPar Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.

Le portage salarial est une partie qui se joue à trois. Dans mon billet précédent* — “On ne fait pas n'importe quoi ni n'importe comment en portage salarial“ —, on voyait la difficulté de certaines entreprises clientes de bien comprendre la spécificité d'une prestation de portage salarial, de même que le positionnement de certains “portés”, sans oublier les errements de certains “porteurs”. Pour éviter le n'importe comment, chacun doit réfléchir à deux fois avant de concrétiser une mission, prestation, intervention.

Pour une entreprise cliente d'un professionnel autonome, un certain nombre de conditions sont désormais à respecter. L’ordonnance du 2 avril 2015 ayant été ratifiée par la loi Travail, le recours abusif au portage salarial est passible de sanctions pénales : l'amende est de 3750 € si l'entreprise y fait appel en dehors des motifs indiqués dans le Code du travail, à savoir une “tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas”, sans oublier les interdits, tels que des travaux dangereux, le remplacement d’un salarié gréviste voire d'une personne en congé maternité, comme une entreprise connue a osé me le demander tout récemment. En cas de récidive, la sanction est de 6 mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende.

Quant au contrat de prestation de service de portage salarial, il va au delà du droit commun à tout contrat entre un client et un prestataire (contenu, prix, obligations, etc.) puisqu'il doit impérativement indiquer les mentions nécessaires au bon fonctionnement du portage salarial, à commencer par l'identité du salarié porté, bien qu'il/parce qu'il ne signe pas le contrat de prestation bipartite entre son client et l'entreprise de portage salarial. Les principales autres mentions sont : le descriptif de la prestation à réaliser, la durée exacte ou prévue de la prestation (limitée à 3 ans), le prix qui a été négocié par/avec la personne “portée”, les modalités de facturation entre l'entreprise de portage et le client, ainsi que les dispositions respectives de l'entreprise de portage salarial et du client en cas de cessation anticipée de la prestation. Ce contrat est donc différent d'une commande de prestation classique, comme certains acheteurs ne l'ont pas encore tout-à-fait compris ou intégré dans leurs processus d'achat*.

Pour une personne optant pour le statut salarié via portage, il y a une indépendance nécessaire par rapport au client ; et c'est d'ailleurs ce qu'il achète a priori, comme pour d'autres prestations de conseil, expertise, accompagnement, confiées à des consultants externes. Quid de l'indépendance vis-à-vis de l'entreprise de portage salarial ? C'est toute la finesse de la relation avec un employeur un peu atypique ! Cette dernière est en effet responsable de la réalisation de la mission, même si elle ne l'exécute pas elle-même. Elle est l'employeur de la personne qui produit le service à son client. A ce titre, elle doit contrôler l'activité du “porté”, ne serait-ce que pour valider les éléments du salaire et la prise en compte des frais professionnels éventuels. Le “porté” est certes protégé en responsabilité individuelle par la société de portage, mais assume sa responsabilité contractuelle (la prestation qu'il doit à son client). En cas de manquement, cette responsabilité peut être mise en cause par son employeur qui porte la mission vis-à-vis du client, d'où les cas possibles de cessation du contrat de travail, assez délicats en l'espèce.

Pour les entreprises de portage salarial enfin, il n'est plus possible de faire n'importe quoi. Il ne s'agit pas de “faire du portage salarial”, comme on l'entend chez certains contacts intéressés par le dispositif, mais d'exercer à titre exclusif l'activité de portage salarial. Et “être” une entreprise de portage salarial, il faut déjà être une entreprise agréée, en ayant effectué une déclaration préalable d'activité auprès de l'inspection du travail et avoir reçu le visa de l'inspecteur du travail. Elle doit en outre avoir souscrit une garantie financière en garantie du paiement des salaires aux portés et du versement des cotisations sociales aux organismes, en cas de défaillance de l'entreprise. Les niveaux de garantie, la complexité des questions contractuelles, juridiques, ressources humaines, etc., sans compter l'accompagnement des portés, expliquent la montée en gamme et en puissance des acteurs, après pas mal d'années de flou juridique et de pratiques parfois très légères.

(*) Voir billet septembre 2016 et article publié dans Décisions achats (Achats de prestations intellectuelles : intérim, portage salarial, indépendant, quel statut privilégier?) : dans cet article, une erreur a fait dire à son auteur que le motif du recours n'est pas obligatoire contrairement à l'achat d'intérim.
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