Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
Même s'il existe depuis plus de 30 ans, le portage salarial est inscrit dans la Loi depuis moins de 8 ans et totalement sécurisé depuis tout juste un an, avec l'Ordonnance du 2 avril 2015. Il est pourtant encore mal connu des personnes et des organisations qui pourraient y trouver une réponse intéressante à des situations de plus en plus fréquentes, justement parce qu'il est un statut hybride.
Pourquoi statut hybride ? Pour qui ne connait pas bien le portage salarial, rappelons que cette “nouvelle forme d'emploi atypique est une relation contractuelle tripartite*, dans laquelle un salarié porté, ayant un contrat de travail avec une entreprise de portage salarial, effectue une prestation pour le compte d'entreprises clientes”. C'est ce que dit le service d'information du Premier Ministre sur le site officiel de l'administration française. Sauf que le contrat de travail est établi** par l'entreprise de portage salarial (EPS) après que le prestataire se soit mis d'accord avec son client qu'il a lui-même prospecté ou après avoir été choisi par son client pour la prestation qui lui est confiée.
Hybride donc parce que ce statut combine l’indépendance de l’entrepreneur et la sécurité du statut du salarié. Comme tout autre entrepreneur, l'intervenant est un professionnel disposant “d'un niveau d'expertise, de qualification et d'autonomie pour rechercher ses clients”. Autonome commercialement, il l'est également dans l'organisation de sa mission. En un mot, il est le patron de sa petite entreprise portée ! Comme les autres entrepreneurs individuels (personne physique ou personne morale), il négocie le prix et la prestation qu'il va assurer pour son client qui lui appartient, puis il fournit la prestation de service à l'entreprise cliente.
Sa seule dépendance avec l'EPS est liée au fonctionnement de la relation tripartite, puisqu'il va rendre compte de son activité à la société de portage pour que celle-ci puisse d'une part établir la facturation de sa prestation, voire de ses frais de mission, et puisse d'autre part lui verser un salaire, lui régler ses notes de frais et effectuer toutes les opérations administratives et comptables afférentes. Il sous-traite donc sa gestion à un tiers de confiance, en se délestant d'activités peu productives ou peu rentables, tout en restant “patron de sa petite entreprise portée”.
Comme les autres entrepreneurs individuels, il peut parfaitement communiquer avec son image, sa marque commerciale, son nom de domaine, voire son propre bon de commande. Ses références légales sont bien entendu celles de l'EPS, à savoir le numéro de registre du commerce (Siren/Siret), les coordonnées bancaires, le numéro d'organisme de formation, l'assurance RC professionnelle. Il peut donc les indiquer dans les mentions légales de son site web, dans ses propositions commerciales, sur une plaquette ou autre. Plus facilement qu'un entrepreneur individuel, il peut réaliser des missions à deux ou plusieurs avec des collègues en co-traitance, en restant chef de projet, le client ayant signé une seule commande et étant facturé par une seule entité.
Le portage salarial pourra donc être un tremplin vers la création pleine et entière, une évaluation de la qualité de la relation avec un futur associé ou une analyse concrète du marché et du réseau de prescripteurs. Le portage salarial augmente sensiblement les chances de réussir et de durer***, comme c'est le cas avec les couveuses et autres coopératives. Pour d'autres personnes, il s'agira d'un test en grandeur réelle pour mesurer la réelle motivation à devenir créateur, à acquérir une véritable autonomie … ou la ré-orientation vers un autre projet professionnel, comme un poste salarié classique. L'avantage étant qu'il sera resté (ou redevenu salarié) tout en cumulant très simplement les deux statuts ou en basculant très vite de l'un à l'autre.
Au final, le portage salarial n'est pas seulement un statut hybride : il est également innovant et sécurisant car il permet à des professionnels autonomes de créer ou d’exercer leur activité sans les contraintes, les complexités et les risques de la création dès le départ ou du statut plus précaire de l'entrepreneur individuel, comme la micro-entreprise. Je constate que même les conseillers traditionnels des créateurs ou porteurs de projet (CCI, cabinets RH, associations, Pôle Emploi, …) communiquent plus volontiers sur le statut hybride du portage salarial. Un juste retour aux basiques ! L'essentiel est bien de maximiser les chances de réussite de cette envie d'entreprendre, en se concentrant sur la réussite commerciale, qui n'a pas grand-chose à voir avec le statut de départ, le business plan ou autres éléments peu ou pas adaptés à la création d'une activité de conseil ou autres prestations de services aux entreprises.
(*) si la relation est tripartite, les contrats sont bipartites : le contrat commercial de prestation signé entre le client et l'EPS + le contrat de travail en portage salarial entre le professionnel autonome et l'EPS.
(**) la première fois, pour le premier client/la première mission ; ensuite, si le contrat de travail initial est un CDD, il est prorogé ou renouvelé ou devient CDI ; les missions suivantes sont annexées au contrat de travail unique avec l'EPS, couvrant un ou plusieurs contrats de prestations avec un ou plusieurs clients.
(***) surtout si la structure choisie est solide et apporte un réel soutien proche, des occasions de rencontres, mises en relation, partage de missions, formation et accompagnement à la posture et au développement des compétences commerciales.