Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
Baptisé “nouvelle forme d'emploi atypique” par le site d'information officiel du Gouvernement*, le portage salarial fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps, au point d'attirer de nombreux indépendants intéressés par le statut salarié pour créer leur propre emploi, à défaut de créer leur propre entreprise. Mais ce n'est ni vraiment nouveau ni une solution miracle et certainement pas un couteau-suisse de l'emploi et de la création.
Atypique, certes, puisque cette forme d'emploi combine l'indépendance et le salariat. Pour autant, il existe les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) qui confèrent également le statut de salarié pour sécuriser la création d’entreprise, généralement après une phase de préparation et d'accompagnement (CAPE). Lorsque l'entrepreneur devient salarié coopérateur, dans ces entreprises de l'économie sociale et solidaire, il est bien salarié, comme en portage salarial, mais moins indépendant quant à ses choix de gestion personnelle.
De l'autre côté, il existe le régime d'auto-entrepreneur ou micro-entreprise qui permet normalement de disposer d'une vraie indépendance, à condition d'être libre de rechercher sa clientèle et de fixer les modalités de sa prestation et ses tarifs. Ce qui n'est évidemment pas le cas des faux entrepreneurs à la merci d'une plateforme d'intermédiation qui leur enlève toute forme d'indépendance sur tous les critères de base. Ce n'est plus de l'auto-emploi, mais du salariat déguisé ; ce n'est plus de la création indépendante mais de la dépendance avec une illusion de liberté**.
De son côté, le portage salarial, qui a mis de nombreuses années à se règlementer, est devenu une branche professionnelle à part entière, avec la signature d'une convention collective spécifique, le 22 mars dernier. Attirés par la liberté et l’autonomie, de plus en plus de salariés ont envie de s’affranchir des contraintes vécues en entreprise, d’organiser eux-mêmes leur temps de travail et de choisir les missions correspondant à leurs aspirations. Et tout ceci de plus en plus avec un besoin d'augmenter leur protection sociale, de sécuriser leur activité et de rompre l'isolement.
Comme il n'est pas possible d'avoir le beurre et l'argent du beurre, le portage salarial reste un compromis, une solution hybride pour un auto-emploi. Il s’adresse aux métiers du conseil et à des profils justifiant “d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui permet de rechercher soi-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix.”. Il exclut les activités de services à la personne et les professions réglementées (avocat, expert comptable, médecin, notaire, etc). Le prix de vente des prestations doit permettre de générer une rémunération minimale de 2000 euros net environ équivalent temps plein.
On est donc loin de la très grande variété des activités possibles en auto-entreprise ou en coopérative d'activité et d'emploi. Les personnes concernées par le portage salarial peuvent y recourir en parallèle avec la micro-entreprise, afin de combiner le meilleur des deux. Elles peuvent le choisir après l'auto-entreprise, si elles ne veulent pas passer en entreprise classique, ou après la coopérative d'activité et d'emploi, si le statut de salarié coopérateur ne leur convient pas.