Le portage salarial vu du côté des entreprises clientes

Rey_patrickPar Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-formateur, Délégué Régional ITG, première société de portage salarial.

Alors que le portage salarial a permis à tant d'entreprises, depuis près de 20 ans, de bénéficier des services de professionnels, souvent fraîchement venus du monde de l'entreprise, différentes initiatives risquent de mettre à mal cette forme particulière d'emploi, en la dévoyant de ses principes les plus fondamentaux.

La Loi de Modernisation du Marché du Travail (du 25 juin 2008) a légalisé le portage salarial, en reprenant les principaux dispositifs élaborés par les entreprises sérieuses, en termes de contrat de travail et de protection sociale du salarié porté, mais aussi en exonérant le portage salarial du délit de prêt de main d'œuvre. Cette disposition a été voulue par le Prisme (syndicat de l'intérim) qui a été désigné par la loi — sans être nommé comme tel —, pour organiser le portage salarial avec les représentants de la branche.

Or, au lieu de renforcer le régime du salariat et les droits de la personne portée (notamment sur son apport de clientèle), le Prisme aurait récemment proposé aux partenaires sociaux (syndicats professionnels et de salariés) un "statut hybride entre celui de salarié et d'indépendant, qui ne reposerait plus sur un contrat de travail classique mais sur des contrats commerciaux entre la personne portée, la société de portage et l'entreprise cliente" (voir article des Echos du 5 mars).

On reconnaît bien là le fonctionnement de l'intérim, pourtant tellement différent* du portage salarial tel que l'ont défini et négocié dans l'accord de branche du 15 novembre 2007, les syndicats de salariés et le principal syndicat patronal (CICF-SNEPS). Attiré par un nouveau débouché commercial, le Prisme risque de renforcer le sentiment de précarité envahissante et de déliquescence du travail, au moment où le régime de l'auto-entrepreneur inquiète les artisans, par exemple.

Et pourtant, le portage salarial présente pas mal d'avantages pour les entreprises approchées par les professionnels autonomes qui interviennent en missions pour elles. Au delà du principe de base — identique à celui des indépendants en entreprise individuelle — qui consiste à payer des honoraires au lieu de salaires, et à confier des missions ou projets à des spécialistes externalisés, les entreprises clientes peuvent aussi profiter du réseau de la société de portage et de ses consultants, mais également avoir des intervenants dotés d'une assurance responsabilité civile professionnelle. Le tout pour un coût inférieur à celui de l'intérim**, et avec une relation directe avec le consultant au service de son client.

Souhaitons que les entreprises ne cherchent pas à s'engouffrer dans la brèche ouverte par les partisans du travail bradé, "marchandisé" et dépouillé du maximum possible de cotisations sociales. Car, sinon :

• les relations tripartites propres à l'intérim pousseraient à créer un contrat également tripartite, excroissance honteuse du droit commercial,

• les risques du régime de l'auto-entrepreneur l'emporteraient sur la libération de la créativité et de l'envie d'entreprendre, qui était voulue par le gouvernement,

• les mauvaises pratiques des sociétés de portage à-tout-faire (et pire encore des nombreuses qui font du portage sans le dire) deviendraient plus nombreuses, dévalorisant une profession qui est déjà décriée par certains et encore si peu connue de pas mal d'entreprises.

(*) Le porté est autonome dans sa prospection commerciale et pour réaliser sa mission, il n’a aucun lien de subordination avec son client, il négocie librement ses honoraires avec son client. (**) Le surcoût est généralement estimé à 20%.

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