Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
On ne fait pas du réseau quand on en a besoin : c'est trop tard ! Si le réseau devient utile quand ça va mal, c'est parce qu'il a été construit et entretenu quand ça va bien. Il est tout autant inefficace de quémander un travail que de demander une mission. Les personnes portées que je conseille ou accompagne sont souvent partagées entre la recherche de clients et la recherche d'un employeur, mais toujours très en demande par rapport au réseau.
A l'occasion de rencontres réseau récentes (salons, forums, soirées), j'ai entendu les habituelles lamentations selon lesquelles certains vous disent ne pas avoir de réseau, d'autres que c'est du temps perdu car ils n'en ont jamais rien retiré. Trop de personnes confondent encore "piston" avec réseau. Les plus anciens se souviennent de Ségolène Royal, lors de la cérémonie d'investiture de François Mitterand qui lui demande sans ambages : "vous ne pouvez pas faire quelque chose pour moi ?..." (sous entendu lui donner une circonscription), le Président lui répondant : "il est un peu tard (…) s'il est encore temps, je le ferai mais je crains qu'il ne soit plus temps". Et il l'a fait ensuite !
Ce qui est plus long c'est de construire son réseau et de l'entretenir, en ligne comme dans la vie réelle. Dans les deux cas, on peut y passer beaucoup de temps. Ceci dit, cette objection courante est parfois exprimée par des personnes qui ont mal géré le temps passé sur leur ordinateur/tablette/mobile et/ou les soirées/rencontres ou par des personnes qui n'ont même pas commencé, ou ont juste entendu des personnes l'ayant dit ou lu. Pour ce qui est des réseaux sociaux en ligne, on sait que le risque est de se laisser happer par les multiples sollicitations qui deviennent des distractions par rapport à l'objectif qu'on s'est fixé. S'il est utile de partager des articles, il vaut mieux ajouter du contenu, pas seulement cliquer sur "j'aime". S'il est intéressant de participer à certains échanges entre professionnels, il ne faut pas y être tous les jours, au risque de donner le sentiment d'omniprésence et d'apparaître désœuvré, sans travail, sans mission.
Le sociologue américain Mark Granovetter avait écrit un article sur la « force des liens faibles » (Strength of weak ties, 1973), dans lequel il expliquait que la force des liens est produite par le temps passé ensemble, l'intensité émotionnelle, l'intimité et de la réciprocité du lien entre deux individus. Il a nommé "liens forts" ceux que l'on a avec des proches (amis, famille avec des relations soutenues et fréquentes) et "liens faibles" les simples connaissances ou contacts nouveaux ou peu fréquents. Or, ces liens faibles sont dits « forts » car davantage diversifiés, ouvrant à d'autres réseaux sociaux que ceux constitués par les liens forts. Il ajoutait même "les liens absents", c'est-à-dire les gens que l'on croise au quotidien amis qu'on ne connait pas ou avec qui il n'y a pas d'interaction.
Quand on a besoin du réseau, il est essentiel d'avoir construit des relations fortes avec des liens dit faibles. Pas juste des contacts avec des liens absents ! Le réseau n'est pas l'accessoire qu'on ajoute.