Le vrai prix du portage salarial

Rey Patrick Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-formateur, Délégué Régional ITG, première société de portage salarial en France

Le portage salarial est encore méconnu de certains créateurs d'entreprise ou de certains donneurs d'ordre qui voudraient faire appel à des professionnels non immatriculés en qui ils ont confiance. Et quand il est connu, c'est parfois pour son plus petit dénominateur commun : le service de traitement administratif et de gestion, assuré moyennant des frais de gestion appliqués sur le chiffre d'affaires. L'inconscient collectif des personnes qui interrogent les Entreprises de Portage Salarial (EPS) me fait penser à la réputation qui est faite aux notaires, dont les dits "frais de notaires" sont jugés très élevés. Il en est des EPS comme des notaires : elles sont principalement des collecteurs pour l'Urssaf, tout comme les notaires sont des collecteurs pour les impôts. Qu'en est-il donc du vrai prix du portage salarial ?

Vu du côté des créateurs d'entreprise ou d'activité, il est souvent compliqué de se faire une idée sur les différences entre telle ou telle EPS. De plus en plus de personnes accèdent à l'information directement sur le web. Et, comme chacun sait, sur le web, il y a le meilleur et le pire, et pas mal de choses entre les deux ! La comparaison des sites ne donne pas forcément une idée fiable, tout au plus une impression générale, car l'internaute moyen lit très peu, approfondit rarement et ne fait pas forcément jouer son sens critique. On a des sites très beaux et très creux, sans aucune information précise ou explicite, où ne figurent même pas les informations légales sur l'entreprise, ou alors elles sont fausses, avec par exemple un numéro de Registre du Commerce qui n'existe pas ou plus ! D'autres fois, on met surtout en valeur la présence locale, parfois simplement celle d'un franchisé ou d'un apporteur d'affaires, uniquement chargé de faire entrer des nouveaux "portés", sans se soucier de les suivre, les accompagner, les former ou de multiplier leurs occasions de mises en relations professionnelles.

Dans d'autres cas, les données de l'EPS sont invérifiables, comme celles qui annoncent un nombre importants de consultants, sans rapport avec le CA déclaré, ou alors très inquiétant quant au niveau de facturation moyen. Un grand classique : un CA annoncé pour une société, voire un groupe constitué de plusieurs sociétés, dont aucune ne publie jamais ses comptes !! Il est pourtant bien simple d'aller sur Infogreffe, societe.com ou autre portail et de saisir le nom de l'EPS ou le numéro de Siren, et de voir le résultat. Il y a aussi les nouvelles EPS qui sont de création récente, par exemple courant 2009, et ne peuvent pas avoir de chiffres officiels. Faut-il éviter de les rencontrer ? Pas forcément, mais il convient de s'entourer de beaucoup de précautions : croiser les informations (plus encore que pour celles qui ont des années d'existence), interroger les utilisateurs de leurs services, se renseigner sur son ou ses créateurs. Si ce sont des consultants qui connaissent les métiers du conseil, on peut ensuite regarder ce qu'ils ont fait avant, dans quelles entreprises, et s'ils avaient créé précédemment une société, ses chiffres, son activité et sa réputation. En posant quelques questions bien formulées, on a vite des éléments de réponses, que ce soit sur un moteur de recherche ou via un contact réseau, en ligne ou au téléphone.

Vu du côté des entreprises ou organisations clientes, utilisatrices des professionnels autonomes, bénéficiaires de prestations de conseil, de formation ou d'expertise, il est parfois difficile de savoir s'il faut conseiller ou pas le portage salarial à une personne qui n'a pas créé son entreprise, et s'il faut lui conseiller une EPS ou une autre. A minima, tout donneur d'ordre a besoin d'une facture d'honoraires. Et pour faire une facture légale, il faut être une entreprise inscrite au registre du commerce, sous une forme ou sous une autre. Les deux principales formes sociales sont l'EI (entreprise individuelle) ou la société (Eurl, Sarl, SA, Scop, etc.). Le régime d'auto-entrepreneur (AE), mis en place depuis janvier 2009 est une déclinaison simplifiée et allégée de l'EI. L'entreprise ou organisation cliente préfère-t-elle avoir une facture d'AE, d'EI ou de société ? Selon le cas, ses procédures lui imposent une vraie société, voire référencée parmi ses fournisseurs, et surtout justifiant de garanties, telles une assurance responsabilité professionnelle. Or, toute EPS sérieuse fournit ces garanties, ce qui n'est le cas qu'une fois sur deux pour les indépendants en EI ou pour les Sarl, et quasiment jamais pour les AE. L'EPS est l'entreprise du professionnel autonome, celle qui lui confère le statut de salarié, tout en lui fournissant les outils pour piloter son activité : donner ses instructions de gestion (contrats commerciaux et facturation de ses clients, voire recouvrement) et rendre compte de son activité à son employeur (feuilles de temps, demandes de salaires, déclarations de frais, etc.).

Au delà de la facturation d'honoraires, le donneur d'ordre peut aussi avoir besoin d'autres garanties ou services, par exemple un service de publication d'offres de missions, une pré-sélection de consultants, un réseau régional, national ou international qui lui permette de lancer plus facilement un projet complexe ou de grande ampleur. Le client peut vouloir un chef de projet qui sache s'entourer de collègues avec qui il sait travailler. Une organisation peut préférer des consultants qui ont des habitudes de travail suffisamment professionnelles, dès le départ de la demande ou de la formulation du besoin à traiter. C'est à ce moment-là que la qualité de jugement peut faire la différence pour le client : différence entre une EPS qui recrute sans discernement et une autre qui prête une attention toute particulière au potentiel d'autonomie professionnelle et au développement du candidat consultant, qui l'accompagne dès son entrée, qui lui propose des formations dédiées et non standards, et qui l'intègre dans une démarche de GPEC*.

Vu du côté des entreprises de portage salarial, les choses bougent beaucoup depuis 2 ou 3 ans. S'il est vrai que nombre d'acteurs se contentent de proposer le service de base (et encore !), on voit quelques noms connus et de nouveaux arrivants se livrer à un "copier-coller" sans aucune finesse ni originalité. La Loi de modernisation du marché du travail de juin 2008 a poussé les syndicats de salariés et les syndicats professionnels à faire évoluer les dispositifs vers un renforcement du portage salarial, tel qu'il a été conçu au départ, pour permettre aux professionnels, généralement cadres, de fonctionner en toute sécurité, avec toutes les garanties et les pratiques d'un "portage salarial socialement responsable". On assiste à une recomposition du paysage, avec des petites EPS qui sont rachetées par des plus grandes ou des sociétés venant d'un autre secteur (intérim, formation, services informatiques, portail de freelances, etc.) désireuses d'apprendre ce métier. Or, ce métier est bien plus complexe qu'ils ne l'imaginaient et bien moins rémunérateur aussi.

Il n'est donc pas étonnant que des EPS peu sérieuses déposent le bilan ou que d'autres tentent de remonter leurs frais de gestion, prétextant des services non inclus dans la prestation de base. Ainsi, comme pour les honoraires de l'étude notariale, petite partie des frais à payer lors de l'achat d'un bien immobilier, les 10% de frais de gestion, en moyenne, des EPS sérieuses sont en réalité très limités au regard du service total rendu. Au pire, ils se traduisent par un revenu net diminué de moins de 5%, étant donné les cotisations sociales versées à l'Urssaf. Et ce revenu peut être facilement augmenté si le créateur raisonne dès le départ comme un entrepreneur, car il saura profiter des différentes économies de cotisations qu'une EPS sérieuse lui permet : remboursement de frais de fonctionnement, récupération de TVA sur les achats, souscription à un PEE, achat de CESUs pré-financés. Le taux de gestion ne veut pas dire grand-chose si on ne regarde pas le revenu total obtenu, sans oublier que ce taux baisse au fur et à mesure du développement de l'activité du "porté".

(*) Un accord de GPEC (Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences) est actuellement mis en place dans le groupe ITG, tant pour les personnels permanents que pour les consultants autonomes, et même les délégués régionaux..

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