Par Didier Vincent, ex-cadre de la Com via Agoravox
Je vous propose un témoignage. Sans généraliser mon cas, il est sans doute
représentatif.
La presse « bien pensante », les autorités, le MEDEF bien sûr, nous répètent
à longueur de temps, soyez des « entrepreneurs » ! Je n’aime pas le mot aussi
entendez par « entrepreneur » dans cet article, un type qui crée son boulot,
sans plus.
Quinquagénaire, spécialiste de la Communication d’entreprise, je cumule les
handicaps pour retrouver un travail. D’ailleurs, je n’en avais guère envie,
les relations sociales au sein des entreprises étant à mon avis fort dégradées.
Il me fallait donc trouver une solution et l’idée de créer son propre travail
en est une. Nécessité fait loi.
Il se trouve que, par chance, mon chemin a croisé un ancien chef d’entreprise
avec lequel j’ai déjà travaillé et qui lui est maintenant à la retraite. Mon
cas, s’en être désespéré, l’a touché aussi m’a-t-il proposé après quelques rencontres
une association dans un projet d’entreprise. Il s’agit de créer un site Internet
sur lequel nous allons vendre de l’information économique dans un créneau très
spécialisé.
Me voilà donc portant le chapeau de créateur d’entreprise. La définition
du projet, ses buts, ses objectifs, ses moyens n’ont pas posé de réels problèmes.
Mais il nous fallait quand même une structure pour accueillir notre projet et
la création d’une petite SARL était donc nécessaire.
Le parcours de « l’entrepreneur » commence.
Plusieurs obligations sont à remplir, plusieurs possibilités sont offertes.
Première obligation, l’ouverture d’un compte bancaire. Notre projet est modeste
aussi est il facilement auto financé par nos apports personnels, l’investissement
avec Internet restant des plus modestes. Donc, pas besoin de demander un financement
à la banque. Par contre, il nous faut demander à la banque des services particuliers
comme le paiement en ligne. Contact fut pris avec plusieurs banques et, dans
ma naïveté, me voilà parti à expliquer la teneur de mon projet ainsi que le
besoin de recourir à un système de paiement en ligne. Les banques sont extraordinaires.
Vous avez en face de vous des Conseillers d’entreprise qui ne vous écoutent
pas, prisonniers qu’ils sont des procédures internes qu’ils doivent suivre à
la lettre et des grilles d’évaluation, espèce de moulinette dans lesquelles
ils passent votre projet pour l’évaluer. Dans mon cas, c’est le paiement en
ligne qui pose problème. La fraude est partout et les banques n’aiment guère
ce genre de risque. Donc vous êtes bien gentil, mais votre projet, pas terrible.
« L’entrepreneur » est ébranlé. Heureusement, il a de la ressource et trouve
un système de paiement en ligne proposé par une société qui n’est pas une banque
et qui ne lui demande rien. Il ne reste plus à l’entrepreneur qu’à retourner
voir une banque, de lui dire qu’il veut ouvrir un compte d’entreprise chez elle
mais la banque n’aide pas. En rien. Elle va même, puisque vous tenez absolument
à ouvrir un compte chez elle, jusqu’à vous demander vos relevés de compte personnel,
vérifier dans le moindre détail la nature des statuts de votre petite SARL et
n’hésite pas à vous demander de revoir votre copie. Au passage, la banque empoche
le cash que vous versez pour la constitution du capital et demande trois semaines,
oui trois semaines, pour encaisser les chèques des associés et donc vous fournir
l’attestation nécessaire au dépôt de votre dossier d’enregistrement au greffe
du Tribunal de Commerce.
Deuxième obligation, l’enregistrement auprès du Tribunal de Commerce. Les
formalités sont là moins compliquées mais contiennent des pièges cachés. Dans
mon cas, une sombre histoire de sigle qui doit impérativement être un résume
du libellé du nom de la société. Mon sigle étant exactement le même que le nom
de la société, le greffe a rejeté mon dossier. Seule solution pour résoudre
le problème, aller au greffe du Tribunal. Une bonne heure d’attente pour régler
la question en trois minutes. L’entrepreneur doit être résistant.
L’entrepreneur, même s’il n’a pas besoin d’être aidé financièrement, regarde
quand même les soutiens que tel ou tel organisme pourrait lui apporter. Ils
sont nombreux et aucune coordination n’existe entre eux. J’en retiens deux en
exemple car faisant preuve d’une réelle bonne volonté mais avec des dispositifs
mal adaptés à la réalité des choses.
Les ASSEDIC proposent aux chômeurs indemnisés et qui créent leur entreprise,
le maintien du niveau de leur indemnité. Les ASSEDIC reversent à l’entrepreneur
le complément entre sa rémunération issue de son entreprise et les indemnités
qu’il touche, cela dans la limite de ses droits bien sûr. Ne sachant pas quelle
sera la rémunération nouvelle, les ASSEDIC partent du principe d’une rémunération
forfaitaire de base qui vient donc amputer vos indemnités – dans mon cas environ
30% – et donc concrètement, au moment où vous vous lancez, vos revenus diminuent.
Je comprends l’idée mais est ce bien logique de diminuer les ressources l’entrepreneur
au moment même où il en a le plus besoin ?
Les Directions Départementales du Travail ont mis en place le fameux dossier
ACCRE, qui en gros permet à l’entrepreneur de ne pas payer de charges sociales
pendant la première année d’exercice de son entreprise. L’idée en soi n’est
pas mauvaise, mais à quoi correspond t-elle dans la réalité. Le dossier ACCRE
est un document monstrueux, je n’ai pas peur du mot, compliqué, vous demandant
des informations que souvent vous n’êtes pas en mesure de fournir (plan de trésorerie,
répartition de vos clients par nature d’activité, etc. …). A lui seul, c’est
trois jours de travail. De plus, que propose l’aide ACCRE. Une exonération de
charges sociales au début de vos activités, là même où vos revenus seront les
plus faibles, voire même inexistants. Chaque entrepreneur le sait bien. Alors
où est l’aide ? Trois jours de travail pour un gain quasi nul.
Restant optimiste, c’est dans la nature de l’entrepreneur parait il, je vous
dis quand même ce qui fonctionne bien. La palme revient pour moi sans conteste
à l’Agence pour la Création d’Entreprise (APCE) et son site web. Le Comptoir
de Formation des Entreprises (CFE) mis en place par les Chambres de Commerce
fonctionne aussi bien mais n’est que le relais et donne peu de conseils. Autre
élément à ne pas négliger dans un autre domaine, les Juniors Entreprises des
Ecoles ou Universités. On y trouve là des jeunes très motivés, comprenant bien
les problèmes et capables de vous fournir pour des coûts très raisonnables des
études bien faites.
La palme du mauvais élève est clairement pour les banques. La vie de l’entrepreneur
n’est pas un long fleuve tranquille.