Le petit démotivateur en dix-huit points

Lionel_bruel
Par  Lionel Bruel – Formateur-conseil en management & organisation, fondateur du réseau d'affaires Absara

<p><p><p>San</p></p></p>

Je connais dix-huit excellents moyens de saborder une équipe :

1. Donnez un maximum d'avantages sociaux aux débutants, puis
retirez-les leur petit à petit – dès qu'ils progressent, prétextant un
impératif recadrage financier.

2. Promouvez les plus méritants – dès que vous sentez qu'il
leur manque seulement vingt à trente pourcents des compétences pour
réellement réussir, puis – au moindre échec – rétrogradez-les, par
exemple en les humiliant publiquement.

3. Favorisez la promotion " à la gueule du client ",
privilégiant vos amis et limitant tous les autres, surtout s'ils sont
professionnels et impliqués.
Demotivation1_1

4. Faites porter le chapeau de vos erreurs à vos subordonnés.

5. Rappelez à une ordure de fautif – surtout s'il est
sincèrement repentant – ses erreurs de juillet 1987, février 1995,
octobre 1998, septembre 2000 et mars 2004, cela fait toujours plaisir.

6. Insultez telle personne – en petit comité – surtout si
elle est absente, si les mots sont crus et que les " confidents " sont
des relais d'information notoires.

7. Livrez les personnes faibles en pâture aux leaders spontanés,
prédateurs autoproclamés, " grandes gueules " terrifiantes et autres
caïds à la petite semaine, rodés à la flatterie avec les puissants et à
la cruauté avec les menus gabarits.


Demotivation2
8.
Inondez vos collaborateurs d'ordres divergents,
incohérents et partisans, cela désoriente à souhait et dessine les axes
d'amélioration les plus chaotiques qui soient.

9. Nommez aux postes de gestion des ressources humaines
(diplomatie, pédagogie, valorisation interpersonnelle) les personnages
les plus controversés de l'entreprise et assurez-vous que les équipes
décisionnelles soient bien composées d'individus différents,
inconciliables, bouffis d'orgueil et rancuniers, c'est mieux pour la
stratégie d'entreprise.

10. Laissez bien pourrir une situation d'injustice et
déléguez tout type d'arbitrage à un pauvre subordonné empathique,
surtout s'il est bien ami – par ailleurs – avec les parties-prenantes
du différend.

11. Pratiquez un management laissez-faire
des plus déroutants (surtout à destination d'un débutant) et
explosez-le dès qu'il donne des signes évidents d'échec – c'est de sa
faute après tout !

12. Laissez bien les buts demeurer… des buts. Rien de plus parlant qu'un but (ligne générale), transformé en
objectif
(résultats quantitatifs escomptés, ressources nécessaires, délai et
contingences diverses). Pour rappel : un objectif peut s'atteindre. Un
but ? Jamais ! Trop général… Cela vous permet alors de taper sur ce
petit stagiaire tremblant, incapable de gérer la masse des trucs que
vous lui avez donné (très vaguement) à faire. Qui plus est sur un délai
hypothétique.

13. Un
subordonné est en arrêt maladie ? Un conseil : virez-moi ce petit
sous-fifre famélique. Tout est dans le doigté : serrez-lui la poigne, à
son retour, d'un air mielleux, à la limite du dégoulinant-suintant,
comme si tout allait bien. Puis, confiez le sale boulot au
sous-crôlonel de service. Vous savez ? Celui qui n'a de courage pour
rien, n'assume rien, reproche par intermittences aux autres de se planter
là où il leur avait donné son feu vert. Et qui est remonté comme une
horloge : crr crr crr. Résultat : bien tordu, bien cradingue et bien démotivant. Un peu comme si un bazooka chantait be bop a loola. (La la la.)

14. Surtout, surtout, je dis bien surtout : prévoyez – sitôt
la sentence du licenciement prononcée – de promouvoir tous les petits chefs (ceux-là
même qui étaient brimés, dévalorisés) ayant un intérêt à voir le
sous-fifre partir. Rien de tel qu'un petit meurtre entre amis pour
re-souder une équipe mauribonde [1]. Un peu comme si Machiavel rimait avec gentil miel. (Well, well, well.)
Ce sont ces petits chefs-là qu'il vous faudra de nouveau
rétrograder, sitôt que leurs prérogatives dépasseront le cadre du
gobelet de la machine à café. C'est-à-dire grosso modo dans les semaines à venir, une fois la mayonnaise retombée et la lourdeur boulonnée sur le front de tous les petits pékins
rameurs : Han, pfff, han !

15.
Important. Quand vous licenciez quelqu'un, si posible devant tout le monde,
arrangez-vous pour qu'il n'ait pas son mot à dire. Ca cloue le bec. Et
puis sans cela, vous seriez obligé(e) de repenser la chose en termes de
multiplicité des points de vue. Hmm, un truc de mauviettes. En
management, il y a une seule vérité : la vôtre. Qui doit – cela va de
soi – être monolithique,
figée, imposée, enfoncée. Et puis, si possible évitez de donner au
licencié les raisons du retour-à-la-case-départ. C'est mieux : ainsi
a-t-il tout le loisir de dire, la boule aux tripes : Voyons, où est-ce que ça a planté ?
De jolis moments d'introspection : c'est toujours ça de pris. Mais j'ai
encore mieux ! Arrangez-vous pour faire exprimer le motif (si posible
un prétexte à la noix) par quelqu'un d'autre : c'est répété, amplifié,
tordu à souhait. De plus, cela donne un bel os à ronger : quoi de
mieux, pour un sous-fifre (et tous les autres à l'affût), que
d'annoncer – avec le sourire – une si jolie vacherie ? Cela détourne
l'attention des problèmes au moins pour… une semaine. Comme dit plus
haut, c'est toujours ça de pris.

16. Naturellement, une fois le bouc émissaire mis à la
porte, organisez une grand' messe où vous conviez tout le monde. Là,
vous pendrez soin de brûler au lance-flammes sa sale petite effigie en
carton-pâte. Comme dans 1984,
il faudra bien veiller à ce que tout le monde vide son sac, crache sa
haine, voire en rajoute un peu. C'est du lynchage, bon sang : il faut
que ça ait l'air vrai ! La bonne nouvelle ? Le coupable désigné n'est
pas là pour se défendre. La mauvaise ? Il faut déjà penser à trouver un
autre bouc émissaire. Mmh, dans les jours qui viennent, tapez sur les
nouveaux promus (cf. 14.
) : cela fera plaisir à tout le monde. Et surtout, surtout : laissez tout
en l'état. La démotivation se loge dans les replis, les recoins, la
poussière, les miasmes et le désordre. C'est bien grâce à vous que
cette entreprise est un enfer. Vous êtes du côté obscur : le P'tit D,
c'est votre bébé. La souffrance, ça vous connaît [2].

17. Re-passons du côté tendances lourdes. Comme vous
l'avez saisi, un management de cette " qualité ", ça se travaille depuis
le début. Par exemple, en tout début d'activité, décrétez que tout le
monde aura une prime. Et cherchez à conditionner cette prime à…
n'importe quoi. Arbitraire, restez toujours arbitraire : ça stresse
tout le monde [3]. Votre prétexte à la prime ? Le plaisir, l'envie,
l'anniversaire du petit dernier. Et là, attention : pour bien
démotiver, il faut que tout le monde ait la prime, même – et surtout !
– ceux qui ne la méritent pas, chiffres à l'appui. Et veillez bien à ce
que l'on comprenne qu'elle est due à votre humeur et qu'elle ne
correspond en rien au travail effectué par les collaborateurs. La
cerise sur la pièce-montée, c'est quand vous déciderez – pour une
raison tout aussi obscure – de retirer ladite prime (cf. 1.).
A tout le monde, bien sûr. Et en priorité à ceux qui ont bien
travaillé. C'est un délice. Et je surenchéris : mieux que de retirer
une prime, vous savez ce qui existe ? Le fait de geler toute évolution de prime : – Ah, mais vous m'exaspérez avec votre demande de re-calcul de prime. [Marche aussi avec les augmentations de salaire.]
Vous
avez, depuis quinze ans maintenant, cette magnifique prime liée à votre
charge de clientèle. – Mais justement, monsieur. Les collègues, ils
disent qu'elle n'est pas juste, cette prime, puisque c'est la même pour
tout le monde… – Sortez de ce bureau ! J't'en foutrais moi, du
syndicalisme plaintif : allez donc voir chez le concurrent s'il vous
donne de jolies primes comme moi, vous verrez bien !
Et là, montrez
fermement que toute tentative de discussion est terminée. Le sujet est
tabou, vérouillé, proscrit. Attention : terrain miné, même pour les
intrépides. C'est vous le patron, non ? Ils l'ont bien mérité, ces
petits impertinents. Vous jubilez : ce week-end, c'est double ration
champagne-saumon-caviar (vous veillerez, par ailleurs, à faire faxer la
note dans votre entreprise, au vu et au su de tous, surtout ces
minables au SMIC).

18. Last but not least. Dans tous les cas, pensez bien à rester sur vos positions : tout le temps.
Spécialement quand vous avez tort. Quelque chose d'injuste se produit,
de votre fait bien sûr ? Goûtez-en tout l'arôme (un bouquet raffiné).
Et faites porter le chapeau à un sous-fifre ou bien virez-moi quelqu'un
pour l'exemple. Ou mieux encore : étouffez l'affaire et laissez les
supputations s'installer. C'est toujours bon pour le climat. Mieux vaut
un bon sujet qui enfle et se dilate à tout rompre qu'un traitement
rationnel des choses. Résoudre un problème ? C'est pour les d'mies-portions, ça.
Vous, vous êtes un(e) dur(e). D'ailleurs, ça se voit à l'ambiance
autour de vous : même les araignées, sur le mur, courent chez le
psychanalyste. Ou se suicident en mangeant du plâtre.

Brrr, de beaux moments
en perspective. Salarié(e)s, comme remède à ce type de pratique,
j'encourage – pour chaque cas – la mobilité externe. Quitter le navire
peut être salutaire. Une clé : préférer radeau ferme à bateau vermoulu.
Bon courage !
__

[1] C'est le rôle du Mobilisateur négatif d'Yves Enrègle.
Je rajoute qu'une entreprise à l'agonie se cherche toujours quelqu'un
sur qui taper (le nouveau, le client, l'Europe, le destin, etc.) Cela
donne l'impression de travailler, d'être soudés, de servir à quelque
chose.

[2] La souffrance ? Pff, un truc pour les faibles. Vous – par exemple –
vous ne souffrez jamais. En revanche, ceux qui souffrent le méritent
toujours.

[3] Pensez, en outre, à bien cultiver votre sens du flou, à l'inverse de ce que pense – par exemple – un spécialiste du management.

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[ Analyse transactionelle (AT)  et collection de timbres
| Niccolò Machiavelli (1469-1527), magnifique
manuscrit |  un mémo très correct (
Centre
international d'agriculture, Wageningen – Pays-Bas) | Le Journal de Max | blog des RH |
le
Manager minute, sait – lui -, au contraire, surprendre ses collaborateurs en flagrant délit de… réussite (
positive flash exposure), ce qui fait de lui un meneur de troupes exceptionnel | hériter d'une équipe, précautions |
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