Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.
Très agitée, l'économie numérique se cherche, un peu comme ces enfants qu'on voit gigoter, sans pouvoir tenir en place. Economie des petits boulots sous-payés ou économie favorisant la souplesse et la liberté des indépendants ? Un enjeu aussi pour le portage salarial, qui définit actuellement sa convention collective afin de parachever cette forme de flexisécurité si inhabituelle en France.
Les études et articles pleuvent sur ces indépendants qui ont pris l'habitude de travailler pour de multiples donneurs d'ordre et apprécient d'avoir la possibilité de gérer leur temps de façon autonome et souple, de travailler à distance ou dans des tiers lieux, tels les espaces de coworking. D'autres études et articles traitent de ces faux indépendants qui travaillent à la tâche, comme tant de travailleurs le faisaient avant l'ère industrielle. Je ne reviendrai pas sur le cas de ceux qui travaillent pour une plateforme unique ou principale, telle Uber*.
Un des critères de valorisation/dévalorisation semble déjà celui du donneur d'ordre unique ou multiple : avec une plateforme qui a un monopole de fait ou une position dominante, le travailleur ne récupère que des petits boulots en effet, ce que les Canadiens appellent des “jobines”. C'est la fameuse “gig economy” qui gigote et s'agite en permanence pour assurer l'intermédiation entre l'offre et la demande, les deux pouvant se confondre ou s'entremêler : qui est le client avec AirBnB ou Uber ? Sans doute les deux, mon Général ! Car les deux sont clients de la plateforme qui gagne à tous les coups, même sur les impôts ! Mieux que les casinos, qui eux partagent leurs gains avec le fisc !
L'autre critère de valorisation/dévalorisation, plutôt applicable au BtoB, est celui de chaque donneur d'ordre : est-il un vrai client ou un employeur de fait ? Les entreprises ont compris que le recours à des indépendants facilitait la maîtrise des coûts. L'étude EY** sur la “gig economy” ou “économie des petits boulots” aux Etats-Unis indique une augmentation de 49% du recours aux travailleurs indépendants dans les grandes entreprises au cours des 5 dernières années et une amplification dans les 5 années à venir. Le bon côté des choses est que 56% de ces employeurs font appel aux travailleurs indépendants pour acquérir une expertise spécifique que leurs salariés ne possèdent pas, ce qui est justement l'une des raisons d'être du portage salarial. Lequel apporte notamment ce que le pur indépendant n'a pas ou très peu et aimerait bien avoir : la couverture médicale, le droit à la retraite, aux congés payés, à la formation, etc.
(*) Lire ou relire “Uber et auto sont dans un bateau : l'économie prend l'eau”
(**) Lire l'étude Ernst and Young sur le travail indépendant aux Etats-Unis