Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Lors de la récente assemblée générale de Berkshire Hathaway, le groupe holding américain dirigé par le légendaire Warren Buffett, un actionnaire demanda au « maître » s’il pensait que le cours de l’or allait continuer à grimper et si c’était donc un bon véhicule d’investissement.
Buffett utilisa cette question pour repréciser une de ces vérités générales qu’il est bon de ne jamais perdre de vue lorsqu’on réfléchit à comment investir son argent, à savoir : « Avant de disserter sur un produit particulier, il faut garder à l’esprit qu’il existe 3 grandes catégories d’investissement ».
Suivons le guide …
Primo, il y a l’aspect devise de tout investissement (et parfois l’investissement se limite à la devise : un compte à terme en dollars par exemple). Warren fit alors un petit show : il sortit un billet de 1 dollar de son portefeuille, l’exhiba face à l’assemblée et y lit la célèbre devise « In God we trust » (En Dieu nous croyons). Comme il l’expliqua alors, Dieu n’a pourtant rien à voir avec l’évolution de la devise. Acheter une devise a, pour le coup, tout avoir avec l’anticipation qu’on peut avoir de la politique budgétaire du gouvernement du pays. Celui qui aurait vécu ces dernières années au Zimbabwe et y aurait réalisé l’essentiel de ses investissements se retrouverait aujourd’hui ruiné et probablement abandonné par les siens … Quand bien même il ne s’agirait pas de cas aussi extrêmes, il faut savoir que la tendance naturelle des gouvernements est de laisser se déprécier progressivement la valeur de la monnaie : c’est nettement plus facile pour jouer la carte des exportations ou pour assainir la dette.
Deuzio, il y a des placements qui ne produisent rien par eux-mêmes. L’or fait partie de cette catégorie. Du fait de l’incapacité intrinsèque de ce métal à présenter une quelconque utilité productive réelle (laissons les dentistes de côté si vous le voulez bien, pour la clarté de cette démonstration), la valeur de l’or dépend exclusivement de l’arbitraire des hommes. Acheter de l’or revient à parier sur le fait que quelqu’un d’autre, à un moment donné de l’avenir, acceptera de le racheter à un prix plus élevé. Certes, l’or a démontré historiquement quelques mérites en période de troubles graves : si l’hyperinflation venait à s’imposer, le métal jaune serait sans doute activement recherché, ce qui ferait bondir son cours encore davantage. Mais, il paraît vain de fonder une stratégie d’investissement sur cette (seule) hypothèse.
Tertio, il y a les placements productifs, à savoir les placements dont les prix évoluent en fonction de la valeur de ce qu’ils peuvent produire dans le temps. Les actions, ces parts représentatives d’entreprises, en sont le meilleur exemple. Créer de la valeur ajoutée, y compris pour l’actionnaire (ce qui arrive lorsque son rendement est supérieur à son coût d’opportunité), n’est pas une notion abstraite : les politiques industrielle, commerciale et financière qui guident le développement d’une entreprise se traduisent logiquement dans le cours de son action. L’humain, par son ingéniosité, est à l’origine de cette valeur. Bien entendu, telle ou telle matière première, même ayant une utilité propre (le coton ou le pétrole, par exemple), peut voir son prix fluctuer brutalement à court terme, à la hausse comme à la baisse. Faut-il pour autant spéculer à l’aveuglette sur ce genre de produits ? Buffett est formel : à condition de les acheter à des cours raisonnables, les actions d’entreprises à la croissance durable et rentable restent le meilleur des placements. Je n’aurai pas l’outrecuidance de ne pas être d’accord avec lui …