Les guerriers bienheureux et les leaders de l’innovation

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP

Pour gagner en influence auprès de ses interlocuteurs, ses prospects, ses clients, les personnes que l’on manage, nombreux pensent qu’il faut faire preuve d’autorité, de force, et montrer son expertise et sa compétence ; Machiavel n’a-t-il pas dit il y a 500 ans qu’il est plus sûr d’être craint que d’être aimé.

D’autres diront qu’il vaut mieux se montrer chaleureux, accueillant, empathique et même sympathique ; c’est la meilleure façon d’apaiser les craintes de l’autre, de lui inspirer confiance, et même de le manipuler, pourquoi pas. Car même les honnêtes gens aiment manipuler, un peu mais pas trop, pour bien négocier, convaincre, influencer.

Un article de Amy J.C Cuddy (professeur à Harvard), Matthew Kohut et John Neffinger (consultants) dans le dernier numéro de l’édition française de Harvard Business Review apporte un nouvel éclairage sur la question.

En gros, pour être le plus influent, il vaut mieux être un peu des deux ; et ce qui compte le plus et en premier c’est la chaleur que l’on démontre.

Une personne qui va trop compter sur sa compétence et son expertise, et s’appuyer dessus pour convaincre, sans manifester de chaleur particulière, va susciter deux sentiments de rejet : si sa compétence est forte, elle va provoquer l’envie ; si sa compétence est faible (et qu’il tente de s’imposer par une fausse expertise assimilable à du baratin), elle va s’attirer le mépris. Dans les deux cas, elle n’est pas bien partie pour convaincre, pour se faire apprécier de ses collaborateurs (qui le traiteront de pipoteur ou d’arrogant), ou de ses clients (qui ne le trouveront pas assez sympathique ou chaleureux).Bref, le genre de personnes que l’on n’aime pas trop avoir en face de soi.

Bien sûr, il ne sera pas plus efficace de se montrer exclusivement chaleureux, sans démontrer la moindre la compétence ; là, on va générer une forme de pitié, qui n’apportera pas beaucoup d’influence non plus. Il faut un peu de force, mais ne pas l’imposer en premier.

Le bon profil est un bon mélange des deux, celui de ce que l’on appelle le « guerrier bienheureux ».

Ces « guerriers bienheureux » sont détendus émotionnellement, et ils ont un effet sur leur entourage : ils rassurent en convainquant que, quels que soient les défis, les choses finiront par se résoudre. Ce sont ces leaders qui donnent cette sensation d’assurance, tout en arborant un sourire radieux. C’est le genre de leader qui rassure quand on se sent dans l’incertitude, incapable de décider ou de choisir, et qui inspirent le calme et le courage, et l’envie de les suivre.

Ces guerriers bienheureux sont peut-être aussi ceux qui permettent à leur entreprise d’être innovante. Un autre article de ce numéro de HBR relate une étude sur les « leaders exceptionnels de l’innovation », réalisée par un groupe de chercheurs américains. Ils ont constatés que ces leaders s’étaient écartés du schéma classique de leadership, celui qui fixe une direction à suivre, une vision,  à laquelle se rallient les autres. Le leader de l’innovation est plutôt celui qui est capable de créer une communauté autour de lui capable de produire de nouvelles idées en permanence. Il ne s’agit pas de planifier mais de progresser par l’action en faisant émerger des solutions émanant d’individus partout dans l’organisation. Ce n’est pas en dominant que l’on y réussit, mais en créant cette communauté.

Trois capacités organisationnelles ont été identifiées par le groupe de chercheurs pour parvenir à innover.

En premier, le frottement créatif : la capacité à produire des idées par la discussion et par le débat, en laissant s’introduire un peu d’affrontement dans le système ; pour éviter d’avoir une organisation trop au garde-à-vous.

Deuxième ingrédient, l’agilité créative : cela consiste à pousser les équipes à creuser rapidement les idées nouvelles, expérimenter, réfléchir en permanence aux résultats des expériences, et adapter en permanence les actions aux résultats.

Enfin, la résolution créative : la capacité à prendre des décisions intégratives combinant des idées disparates voire opposées, en laissant les conflits et le chaos se développer plutôt que de tout vouloir cadrer en permanence.

Guerriers bienheureux et leaders de l’innovation : les nouveaux profils de l’influence et de l’innovation dans nos organisations, qui viennent ringardiser tous les experts fiers de leurs compétences qui voudraient un peu trop vite tout mettre au carré.

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