Les logiciels sociaux, de nouveaux médias ?

Bruno_salgues

Par Bruno Salgues (chroniqueur exclusif) – Enseignant chercheur

Les logiciels sociaux n’ont pas une histoire récente….

Petite histoire des logiciels sociaux

Les logiciels sociaux ont été décrits dès les années 50 dans la littérature informatique théorique. Le point de départ du développement de ces logiciels serait l’Université d’Oregon, en 1971. Sur le campus de cette université, un système généré par les usagers avait été construit pour promouvoir le campus, et en faciliter l’accès et l’usage, en particulier pour les déplacements. Le terme « User Generated Concept » est ainsi né. Cependant, les théoriciens de ces logiciels, Bela H Benathy et Rob Kling notamment, se sont refusés longtemps a utiliser ce terme.

Le CSCW (Computer Supported Cooperative Work ou Travail Coopératif Soutenu Par Ordinateur) est présenté comme une solution à l’échec de l’intelligence artificielle, observé pendant les années 70 et 80. Ce concept vise à mettre les cerveaux en commun pour rendre l’Homme plus puissant.

Rob Kling a donné, en 1980, une définition de la socio-informatique ou de l’informatique sociale. “L’informatique sociale se rapporte au coeur de recherches et d’études qui examinent des aspects sociaux de l’automatisation, comprenant le rôle des technologies de l’information dans le changement social et d’organisation et les manières dont l’organisation sociale des technologies de l’information est influencée par des forces sociales et des pratiques sociales. L’informatique sociale inclut les études et d’autres analyses qui sont appelées les impacts sociaux de l’informatisation, l’analyse sociale de l’informatisation, les études de communication médiatées par des système d’information (computer-mediate communication ou CMC), la politique de l’information, le thème informatisation et société, l’informatique d’organisation, l’informatique interprétative, etc… ». Plus tard, les auteurs feront évoluer cette terminologie vers la notion de « User Generated Concept ».

Les trois niveaux des
logiciels sociaux

La socio-informatique (ou les logiciels sociaux) se rapporte
à des recherches selon trois niveaux.

A un niveau global (groupe), ou plus superficiellement, la
conception de fonctionnalités donne de la valeur aux usages. Ainsi, le
concepteur cherche à établir des priorités pour la conception, le développement
et l’exécution du logiciel pour une meilleure participation des utilisateurs.

De manière plus fondamentale, cette approche cherche à
articuler des catégories analytiques. Celles-ci ont été jugées utiles pour
décrire une réalité sociale ou sociétale. Elles devraient donc également
définir les recherches techniques à mener pour coller au plus près à cette
réalité. Parmi ces réalités sociales, la nécessaire coopération est la catégorie la plus couramment mise en avant.

Il est, par ailleurs, important de noter que la socio-informatique
est centrée sur les hommes. La recherche dans ce domaine souhaite donc apporter
des réponses aux conséquences sociales de l’informatique et, en particulier, de
l’impact des choix humains dans ce
domaine. Comment les choix humains peuvent-ils affecter la pratique quotidienne
de ces mêmes humains ? L’étape complémentaire est de s’interroger sur la
valeur apportée par les analyses qui mettent en avant les relations entre les
choix humains et l’informatisation (HCC ou Human Choice and Computers). Comment
favoriser les systèmes centrés sur les humains ? Quels sont les rapports entre
les aspects techniques et sociaux ? Telles sont deux questions à envisager.

Les logiciels sociaux
et l’informatique sociale actuelle

Les nouveaux logiciels : du blog au social software

Chat, forum, MOD, Blog sont les précurseurs des « social
software ». Trois types se distinguent : ceux qui « font société », les
logiciels de construction de biens publics ; et le monde du tag ou du
flag.

Les logiciels « font société » conduisent à la création de
groupes « sociaux » de personnes, de « tribus numériques ». Les plus connus
sont assurément Orkut, Frienster, My Space, Peuplade et Small world. LinkedIn,
OpenBC ou Viaduc sont des logiciels plus professionnels. Dans ces outils, un
individu affiche ses amis et leurs centres d’intérêt.

Le logiciel emblématique, qui permet la construction d’un
bien public est Wikipedia.

Le monde du tag répond au désir d’indiquer ce qui nous
intéresse en tant qu’individu. Les spécialistes américains parlent de « social
bookmarking », dont Facebook, Flickr et My Space sont les dignes représentants.
Chacun des participants « pense avec d’autres », ils sont connectés ensemble,
ils affichent leurs choix et agitent des sortes de drapeaux qui représentent
leurs idées.

Actuellement, le réseau est partout. Ce sont d’abord
les réseaux physiques, ceux de télécommunications par exemple. Chacun et
chacune d’entre nous entretient son propre réseau, tant sur le plan personnel que
professionnel. Pour « remplir » ces réseaux, les logiciels dits
« sociaux » sont apparus. Myspace, Spock ou encore Facebook ont
particulièrement réussi dans ce domaine. Ils apparaissent aujourd’hui  comme un mélange des trois mondes
précédents.

Myspace reste en 2008 le leader,  Facebook s’est positionné en challenger. Ces deux
« logiciels » sont tous deux d’origine américaine. Les chiffres
de Facebook parlent d’eux-mêmes : 300 000 enregistrements par jour,
plus de 70 millions d’utilisateurs, 2,7 millions de visages, 18030
applications, la majorité des utilisateur est âgée de plus de 35 ans. Ainsi,
Facebook a construit la plus grande « place de marché » du monde.

Les logiciels sociaux permettent également la diffusion
d’informations. Ils agissent, en quelque sorte, comme des médias un peu
particuliers. Ils permettent non seulement la mise en relation des membres
d’une communauté mais ils servent également de points de visibilité des
investisseurs et de la presse. Ils modifient ainsi la courbe en S du processus
d’adoption d’un produit grâce à une reconnaissance plus rapide par les clients.

L’Allemagne, la France et la Grande Bretagne n’ont pas, à ce
jour, su construire de telles solutions. Ces pays pourraient néanmoins
rattraper le retard en se posant la question suivante : comment faire
évoluer la stratégie de portail comme Voila, Aol, Web de, Yahoo, vers des
logiciels comme Facebook ou d’autres types de réseaux sociaux ?

Plus récemment, les logiciels sociaux ont intégré les
entreprises, ils sont devenus de véritables outils coopératif et d’échange. Par
exemple, Appexchange a créé un site nommé
« faceforce »,  qui
propose un système de CRM (Custormer Relationship Management). Cette solution
est destinée aux forces de vente.

La construction des communautés est un processus complexe
mais qui se répand de plus en plus. Steven Speilberg a même annoncé qu’il va
ouvrir une communauté d’extratrerrestres. La communauté des « Barbie
girls » a recueilli  4
millions d’abonnés en 4 mois. Je vous conseille d’analyser la présence des
Suicide Girl sur Myspace.

Comment construire des logiciels sociaux ?

Une réflexion initiale…

Une démarche en 5 points très différents

La démarche consiste à répondre à 5 questionnements. La
première est le « quick check » ; il repose sur la question :
« est ce que le monde vous aime ou non ». C’est le point clé ou la
question qui va orienter la suite. La deuxième question vise à comprendre
pourquoi des portails tels que Google sont aussi « une bonne
solution » pour le marketing de la firme. Il s’agit d’utiliser au mieux
les mots clés pour que l’on retrouve la firme. Des logiciels comme de.icio.us
ont des usages similaires. Pour favoriser la recherche sur la blogosphére, des
portails comme Technorati s’imposent. En effet, l’Entreprise 2.0 introduit
parmi ses objectifs la collaboration en utilisant Internet. L’entreprise doit
donc aller chercher un maximum d’informationsà l’extérieur dans les blogs, les
newset les « messages boards ». La quatrième point reste à rester
actif en ligne et de faciliter la création des communautés virtuelles Enfin, il
s’agit de mettre au point un mécanisme « conception » qui sera
détaillé ensuite.

La marque nécessaire pour la formation de communauté

La marque ou le procesus de « branding » devient
une nécessité. Il s’agit de créer des « Brand community” qui se résume
souvent dans la phrase « my brand is THE topic ». L’entreprise
choisira généralement d’avoir une « Brand initiated community » : ce
sont des sujets, des thèmes génèrent des discussions autour. C’est la solution
la plus couramment choisie. Ainsi,
l’e-commerce évolue vers du s-commerce, c’est-à-dire de la vente directe
à des communautés.

Les trois approches fondamentales pour construire un
« logiciel social » sont : le design, le contenu et les fonctionnalités
associés. Le design renvoie à des données esthétiques et à l’utilisation de
logiciels d’aide à la conception. En ce qui concerne le contenu
(content) : les fonctionnalités possibles sont multiples, mais seules
certaines peuvent servir. Pour ne pas alourdir la solution, il faut se limiter
aux seules fonctionnalités utiles. A ces fonctionnalités, il faut adjoindre une
«mécanique de jeux » ou « mécanisme de participation ». Un des
soucis, c’est qu’il faut renouveler régulièrement ces mécanismes pour les
garder attrayantes. Ils permettent de valider deux questions centrales :
« je suis votre communauté » et celle de la « community
management »

Dans l’exemple de Myspace, la mécanique de participation se
décompose dans :

–       

la collecte des données

–       

la « customization » de l’affichage principalement.

–       

La mis en place de « feedbacks »

–       

Le mécanisme de communication et d’échanges entre les
individus (notion de pseudo message).

L’introduction d’un mécanisme de jeux peut s’observer dans
l’exemple You tube, dont il est la source de succès.

Bibliographie :

Kling Rob, Social Issues and Impacts of Computing: From
Arena to Discipline, in Human Choice and Computers – 2, Abbe Mowshowitz, Ed.,
Proceedings of the Second IFIP-TC9 Human Choice and Computers Conference
(HCC-2), Baden (Austria), 4-8 June, 1979, Elsevier, North-Holland, Amsterdam,
1980, ISBN 0-444-85456-8

Kling Rob, Social Analyses of Computing: Theoretical
Perspectives in Recent Empirical Research, in: Computing Surveys, 12(1), March
1980, pp.61-110.

Kling Rob, Computerization and Controversy, Value Conflict
and Social Choice book, 2nd edition, Academic Press : San Diego, 1996 [ISBN
0-12-415040-3]

Kling Rob, What Is Social Informatics and Why Does It
Matter? In D-Lib Magazine, January 1999, volume 5, Number 1, ISSN 1082-9873,
http://www.dlib.org/dlib/january99/klin/01kling.html

Kling Rob, IT and Organizational changes in Digital
Economies: A socio-technical approach, May 25-26, 1999, US Department of
Commerce, http://www.ecommerce.gov/schedule.htm

Kling Rob, What is Social Informatics?, 2001,
http://www.slis.indiana.edu/SI/concepts.html

Kling Rob, Social Informatics, in: Encyclopedia of LIS,
Kluwer Publishing, July 5, 2001, http://www.slis.indiana.edu/SI/si2001.html

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