L’Everest n’est peut-être pas si haut…

Par Pierre-Olivier Carles

Il y a quelques jours, j'avais une discussion avec un ami, portant sur un projet de création d'entreprise. Il est diplômé d'une Ecole d'Ingénieur et enseigne les maths dans un lycée ainsi qu'auprès d'étudiants en MathSpe. Il est en pleine force de l'âge, intelligent et sûr de son produit.

En synthèse, son discours était le suivant : "J'ai inventé un jeu du type Casse-Tête assez génial et pas cher à produire. J'aimerai bien me lancer mais je ne sais pas comment faire… De toute façon, c'est trop difficile donc il me faut un associé expérimenté."

En ayant réfléchi deux minutes (je sais, ce n'est pas beaucoup…) à sa situation, j'ai eu l'impression que la création d'entreprise était, dans l'esprit d'une majorité de personnes, une sorte "d'Everest qu'il faudrait gravir en Tongs par la Face Nord". Et bien, je ne suis pas d'accord…

Il est évident qu'un projet visant à créer un laboratoire pharmaceutique ou à lancer en grande série un nouveau modèle de voiture risque de rencontrer un certain nombre de barrières à l'entrée… mais la création d'entreprise, ce n'est, fort heureusement, pas que cela.

La très grande majorité des entreprises, sont des micro-entreprises. Les motivations de ces entrepreneurs sont multiples : se libérer d'une hiérarchie pesante, choisir un lieu de vie où les offres d'emploi sont rares, créer son emploi après quelques mois de chômage, aménager son temps de travail à sa convenance, etc… Plus rarement, ces "micro-entrepreneurs" sautent le pas pour l'argent et/ou la liberté – somme toute très relative…

Quelle que soit leur motivation, la majeure partie de ces entreprises n'emploiera jamais que leur fondateur. Cela signifie que, pour eux, la gestion s'en trouve très simplifiée, le niveau de revenu est directement corrélé au niveau d'activité et le niveau de risque finalement assez réduit. De plus, les entrepreneurs individuels peuvent être entourés, conseillés, supportés, coachés… par des Centres de Gestion, les organismes territoriaux, les Experts-Comptables, les réseaux d'aide à la création, le cercle familial ou amical…

Les lois dites "pour l'Initiative Economique" de Renaud Dutreil ont apporté un peu de clarté et de sécurité. Mais d'autres mesures existent depuis longtemps. Par exemple, un demandeur d'emploi créant ou reprenant une entreprise peut continuer à être indemnisé par les ASSEDIC pendant plusieurs mois, en fonction de sa situation.

Prenons un cas simple : Madame Martin est licenciée économique et perd son poste. Elle décide de créer une société visant à référencer des Baby-sitters et à rationaliser la commercialisation de leurs offres. Elle peut se lancer avec un capital extrêmement réduit (en gros, un PC et un téléphone depuis son domicile), utiliser un site web voir un blog pour disposer d'une existence marketing "formelle" et commencer à démarcher sa cible. Accompagnée par les ASSEDIC et accédant, si elle le souhaite, à des formations adaptées, elle a devant elle plusieurs mois pour valider que son projet peut vraiment fonctionner (au delà de l'étude théorique) et commencer à générer les premiers bénéfices qui lui permettront de consolider sa situation et de prendre le relais des ASSEDIC le moment venu.

– Si son expérience est un échec, elle retournera vers le salariat, mais avec une expérience supplémentaire, valorisante sur son CV.

– Si son expérience est un demi-succès, elle ne sera jamais CEO d'une multinationale, mais aura créé son emploi dans un secteur qu’elle aime et y trouvera sans doute une certaine plénitude.

– Si son expérience est un franc succès, elle pourra même recruter, se développer en franchise, ouvrir les autres marchés européens et devenir le Maitre-du-Monde du Baby-Sitting… mais finalement, c'est elle qui choisira où mettre le curseur de son développement et comment harmoniser Vie Privée et Business.

Au delà de cet exposé, il est vrai, à la limite du prosélytisme, je suis bien conscient que tout le monde ne peut pas – ou ne souhaite pas – être entrepreneur. Créer une entreprise reste éprouvant tant sur le plan physique que mental et reste plus risqué qu'un emploi dans la fonction publique (concernant les emplois en CDI dans le privé, je suis prêt à en discuter).

Près d'un français sur quatre souhaite créer une entreprise, et seulement 300 000 franchissement le pas chaque année… Je ne suis pas sûr que tous ceux qui renoncent le fassent pour des raisons objectives ou pragmatiques.

A tous ceux qui liront ces lignes : je vous invite à challenger vos idées auprès de votre entourage, identifier les freins qui vous retiennent pour éliminer ceux qui n’en sont pas vraiment, être lucide et pragmatique sur vos compétences et motivations, ne pas négliger les règles de base de la création d’entreprise (Etude, Business Plan, etc.)… et surtout, à décider de vous lancer ou non, pour de vraies et bonnes raisons !

Enfin, pour tous ceux qui ne savent pas comment s’y prendre, et notamment mon ami prof de maths, je vous renvoi à l’excellent discours de Steve Jobs à Stanford, le 12 juin dernier, et en particulier :

Remembering that I'll be dead soon is the most important tool I've ever encountered to help me make the big choices in life. Because almost everything – all external expectations, all pride, all fear of embarrassment or failure – these things just fall away in the face of death, leaving only what is truly important. Remembering that you are going to die is the best way I know to avoid the trap of thinking you have something to lose. You are already naked. There is no reason not to follow your heart.

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