L’humour est-il soluble dans l’entreprise ?

Smiley_1 Par Marc Traverson (chroniqueur exclusif) – Coach et consultant – Troisième Voie

Les responsables d'équipes et les dirigeants se posent parfois (plus souvent qu'on croit), la question de savoir :

1) s’il est pertinent d’utiliser l’humour (pour désamorcer un conflit, dans une situation de négociation, dans le cadre du management, etc.) et, dans le cas où la réponse serait positive

2) comment le faire.

Ce ne sont pas des questions simples, parce qu'il ne peut y avoir de réponse univoque. Non que je me méfie de l’humour : il me semble que c'est ce qu'il y a de plus subtil dans la communication humaine. Le rire est le propre d’homo sapiens, et sa principale qualité – encore qu’il ne serait pas étonnant que nos cousins primates, chimpanzés par exemple, soient dotés eux aussi d’un boyau de la rigolade.

Et cependant, l’humour a une particularité: il ne s'apprend pas. Ou alors très jeune. Nous connaissons tous des gens intelligents mais qui sont désespérément dénués d'humour. Si dans le cadre professionnel, l'humour est à utiliser avec certaines précautions, c'est parce que, comme dit l'adage: on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde… Car tout le monde n’a pas le même sens de l’humour. Et personne ne pourra savoir à votre place quand et comment vous pourrez vous permettre une remarque humoristique.

L'humour, ce n'est pas forcément la grosse blague, ni même le rire. C'est une attitude, une façon d'envisager les situations qui est du côté du décalage, de la créativité, voire de la poésie. C'est regarder le monde avec un sourire. En ce sens, savoir manier l'humour peut être un moyen très efficace pour faire passer certains messages, désamorcer les tensions qui peuvent naturellement se manifester dans une réunion de travail, ou briser la glace dans une première rencontre professionnelle. Dans les pays anglo-saxons, l'ice breaker est cette petite blague que l'on fait en début de réunion ou par laquelle le conférencier débute son intervention, et qui fait partie de la politesse (Al Gore commence sa conférence par: "Je m'appelle Al Gore, je suis l'ex-futur président des Etats-Unis"). Voilà une pratique que nous pourrions importer sans dommage. Cela ne signifie pas qu'un manager doive se transformer en amuseur public. Il y a un temps pour tout!

Si l'humour a des limites, ce sont d'abord celles du respect d'autrui. Rire des autres ou faire rire aux dépens des autres peut devenir un moyen d'asseoir une domination, ou d'installer un rapport de force. L’ironie n'est pas toujours amusante. Attention aussi au vecteur. Par écrit (dans un mail par exemple), une allusion “pour rire” peut prendre un sens complètement différent, faute de l’intonation ou du sourire approprié. Et je ne parle même pas de l'humour graveleux et sexiste, grand classique des fins de repas arrosés, dont il vaut mieux ne pas abuser.

L’humour qui permet de se moquer de soi-même, ou de la situation, donne une grande force pour résister au stress. J'ai toujours été frappé par la capacité de François Hollande, un homme manifestement bourré d'humour, à rire des situations qu'il rencontrait (au point d'avoir été méchamment surnommé "monsieur petite blague" par Laurent Fabius). L'humour c'est la mise à distance, la capacité à trouver de l'amusement dans les situations les plus difficiles. En cela il est précieux et il y a donc lieu d'en faire usage — toutes restrictions mises à part — sans modération abusive. Car il me semble aujourd'hui que, dans l'entreprise comme ailleurs, nous sommes plus menacés par l'esprit de sérieux (cette rigidité de l'esprit) que par l'excès d'humour.

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