Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
C’est un fait : puisqu’il ne peut pas agir seul en bourse, l’investisseur recourt à des intermédiaires financiers (banques, courtiers traditionnels ou en ligne) pour effectuer ses opérations. Il consomme donc des services financiers qui ont un coût. A lui donc de ne pas faire n’importe quoi, n’importe comment et avec n’importe qui !
Trop souvent, l’investisseur néglige ainsi la question des frais occasionnés par sa stratégie. Ainsi, il va de soi que s’il multiplie les allers et retours (achats/ventes) en bourse sur des périodes courtes, il grève automatiquement son rendement du montant des frais boursiers engendrés. Et très vite, cela peut lui coûter quelques précieux pourcents annuels. Signalons que, bien évidemment, on a vu depuis quelques années fleurir des offres de tarifications dégressives selon le volume de transactions effectuées : un piège assez grossier dans lequel il s’agit de ne pas tomber.
Une autre question, souvent occultée, est celle de la fiabilité de son intermédiaire financier.
Ne croyez surtout pas que, parce que vous traitez avec une institution qui a pignon sur rue, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Notamment à l’occasion d’opérations techniques telles que des augmentations de capital, tenez-vous à l’affût de votre courrier bancaire et n’hésitez pas à revendiquer votre bon droit lorsqu’il est bafoué.
Voici trois exemples réels récents, ayant pour objet des augmentations de capital, dont j’ai eu connaissance.
1. Monsieur B., client de la banque Z., possède des actions du géant italien de l’électricité
ENEL. Ce dernier a, au début de l’été 2009, lancé une augmentation de capital avec émission de droits de souscription (ceci afin de ne pas désavantager les actionnaires existants ne désirant pas souscrire). L’opération de souscription étant réservée aux seuls investisseurs italiens, Monsieur B. n’avait comme solution que celle de vendre ses droits, ce qui était possible pendant une période limitée. Or, sa banque, qui s’occupait des démarches administratives pour le compte de son client, l’a averti trop tard des détails de cette opération, donc après la période de négociation des droits. Après réclamation, Monsieur B. a finalement été dédommagé par sa banque du montant (un peu plus de 100 EUR) qu’il aurait reçu s’il avait pu vendre ses droits à temps.
2. Toujours concernant cette même opération, Monsieur H. reçoit lui de son courtier en ligne un avis l’informant que les droits de souscription ne seraient pas négociables en bourse et que, dès lors qu’il n’était pas Italien, non seulement il ne pourrait pas participer à l’augmentation de capital mais de plus il ne recevrait en tant qu’ancien actionnaire aucune indemnité. Trouvant cette information étrange, Monsieur H. vérifie et s’aperçoit de son inexactitude. Ayant fait part au courtier de sa découverte (à savoir que les droits étaient bel et bien négociés en bourse), celui-ci lui rétorque que, en fait, les droits peuvent être achetés en bourse mais pas vendus ! C’est bien entendu une bêtise : pour que certains puissent acheter les droits, d’autres doivent les vendre … Monsieur H. est toujours en négociation avec son intermédiaire pour cette affaire qui lui occasionne pour l’heure une perte sèche de quelque 1000 EUR.
3. Restons avec Monsieur H., cette fois aux prises avec l’augmentation de capital de la banque néerlandaise ING. Disposant d’actions ING sur deux comptes différents (de deux banques différentes), il a la surprise de constater que ces deux banques ne l’informent pas des modalités de l’opération de la même façon : si la première banque lui laisse classiquement le choix de vendre ses droits en bourse ou de participer à l’augmentation de capital, la seconde banque lui dit que, s’il ne veut pas participer, il recevra le produit de la vente de ses droits menée après leur période de négociation en bourse. Il s’agit en fait d’une vente hors bourse des droits qui n’ont pas été négociés, à l’avantage d’investisseurs institutionnels. Le problème est que l’actionnaire a plutôt intérêt à vendre ses droits en bourse car il peut espérer un montant supérieur à celui provenant de cette vente en dernier ressort. Monsieur H. n’est donc pas satisfait de l’option proposée par cette deuxième banque et le lui fait savoir. Ici encore, l’issue de ce conflit n’est pas encore connue mais le manque à gagner potentiel se chiffre à plusieurs dizaines d’euros.
On le voit bien : même si, naturellement, l’habileté de l’investisseur à découvrir des placements prometteurs reste de première importance pour déterminer, in fine, sa réussite ou son échec, il doit prendre garde à ne pas sous-estimer toutes les questions consuméristes qui accompagnent la pratique boursière. On a vite perdu quelques centaines d’euros par la faute d’intermédiaires négligents. A bon entendeur …