Par Bertrand Duperrin (chroniqueur exclusif) – Consultant en Management
Discussion au départ anodine lors d’un déjeuner avec un ami. Le sujet
est d’une banalité affligeante par les temps qui courent : la crise. Je
le sens bien sur inquiet. Et à un moment une phrase fuse "Ca n’est pas
la crise qui m’inquiète. C’est comment on va redemarrer après".
C’est
une idée que je partage : rien ne sert de passer l’hiver si l’on arrive
vidé de ses forces aux printemps et qu’on est incapable de suivre ceux
qui, eux, repartiront du bon pied. Mais il faut également être
pragmatique et faire sienne la maxime que l’on doit je crois à Enzo
Ferrari : "Pour arriver premier il faut premièrement arriver". Ce qui
signifie qu’avant d’envisager l’euphorie de jours meilleurs il faut
savoir se donner les moyens d’arriver jusque là.
Quadrature du cercle ? Oui et non.
La
posture de crise dans une entreprise ressemble malheureusement trop
souvent à la position de sécurité dans un avion : on se recroqueville
et on ne bouge plus. C’est souvent là l’erreur. La question n’est pas
de ne pas bouger mais de bouger malin. Crise ou pas, il faut continuer
à avancer et même avancer encore plus, et même avec des moyens réduits,
faire plus avec moins.
Il faut à tout pris éviter d’adopter la
posture qui revient à dire "faites des miracles, de notre coté on gèle
tout" qui aurait des conséquences fort néfastes.
• Des collaborateurs qui se sentent tenus à l’impossible, sans support, et qui baissent les bras
•
Une perte de confiance par rapport à une entreprise qui semble douter
de sa propre capacité à s’en sortir se présente comme un géant en pied
d’argile
• De manière générale l’incapacité à s’investir faute de pouvoir se projeter vers l’avenir.
•
Le risque de l’effet d’"appel d’air" si malgré tout une embellie arrive
: une masse de départ dès que le marché s’améliore et une entreprise
qui reste exsangue, à court d’hommes et d’idées nouvelles pour se
redonner de l’élan.
Car, aussi paradoxal que cela puisse
sembler, les solutions de crise ont souvent pour conséquence de faire
peur aux collaborateurs et à les paralyser alors qu’au contraire
l’entreprise à plus que jamais besoin de personnes qui ne doutent pas
et qui donnent leur maximum.
Quelques pistes :
• Communiquer, expliquer : basique, mais indispensable
•
Favoriser les échanges entre les collaborateurs et ce pour différentes
raisons. Tout d’abord pour qu’ils aient plus que jamais l’impression de
faire partie de quelque chose, d’un groupe, d’un projet. Ensuite parce
que quand on parle de "faire plus avec moins" cela suppose un très haut
niveau de partage de l’information entre les individus. Réactivité,
transversalité et parfois système D sont en effet les mamelles, même
peu académiques, d’une structure qui traverse les trous d’airs sans
trop souffrir. Enfin…en raison du point qui suit.
• Parce que
c’est l’heure de remettre au goût du jour le fameux "on pas de pétrole
mais on a des idées". Et lorsqu’il s’agit de trouver économiser un
petit quelque chose ça et là, gagner en efficacité et en temps sur
certaines procédures, mettre à profit la moindre bribe d’information
pour conquérir un nouveau client, trouver l’idée maligne qui permettra
vendre mieux un produit, c’est les idées de tous qu’il s’agit de
collecter, de discuter, de mettre en oeuvre, et ce sans avoir à monter
une usine à gaz dévoreuse de ressources.
Ca ne coûte pas cher,
ça motive et ça permet de trouver des portes de sortie, ce dont
l’entreprise a besoin au plus au point. Et cela prouve qu’on peut être
vigilant et rigoureux aujourd’hui sans obérer sa capacité à rebondir
tous ensemble demain.