« Petite chronique boursière  » – Notons le Wall Street Journal ! (2)

Vincent_colot Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Les Américains (du Nord) sont de grands pragmatiques. Ils adorent ainsi établir des listes, notamment quand elles peuvent être utiles à la prise de décision : étapes à suivre dans une procédure, garde-fous à respecter, points de contrôle en tous genres, bonnes résolutions, etc.

Il y a quelques jours, le célèbre quotidien financier américain, le Wall Street Journal, ouvrait ses colonnes à Morgan Housel, un chroniqueur du presque aussi célèbre site de finances individuelles « The Motley Fool », à charge pour lui de répertorier toute une série de règles à respecter par les investisseurs lorsqu’ils abordent la Bourse.

Après une première chronique le 12 décembre dernier, j’analyse les 8 dernières règles (sur 16) et je leur attribue toujours une note allant de 0 à 4 selon la pertinence que je leur attribue (0 = pas pertinent du tout et 4 = pertinent au plus haut point), avec à chaque fois un petit commentaire. Eh oui, après tout, si vous me faites le plaisir de me lire, c’est aussi pour avoir mon opinion …

Règle 9 : Quelques fois par décennie, les investisseurs oublient que des récessions surviennent quelques fois par décennie.

Ma note : 2

Les investisseurs ont-ils la mémoire courte ? Tout dépend en fait de l’ampleur de la dernière raclée qu’ils ont reçue. Ainsi, certains qui avaient cru investir dans des actions peu risquées (quoi de moins risqué qu’une banque après tout ??) en 2007 n’ont toujours pas retouché à une action. Les récessions sont en effet une donnée récurrente du système économique. Elles ne sont néanmoins pas toutes de même gravité et la prochaine, du fait de la folle création monétaire en cours, sera peut-être plus grave que la précédente. Mais si elles occasionnent des replis boursiers brutaux, c’est sans doute davantage parce que les sommets des cours atteints précédemment étaient exagérés, et non pas parce qu’elles surviennent en tant que récessions.

Règle 10 : Ne vérifiez pas les cours de vos actions une fois par jour et votre tension artérielle seulement une fois par an.

            Ma note : 3

En Bourse, les pics de volatilité peuvent surprendre par leur violence. Mieux vaut donc être en bonne santé si les brusques variations de cours vous causent des émotions. Certes, avoir le nez rivé à son écran d’ordinateur pour suivre l’évolution de vos actions n’est pas une bonne idée : vous risqueriez de vous laisser tenter par de trop fréquents allers et retours (ventes et achats) avec les frais et les pertes de rendements y afférents. Ne perdez tout de même pas votre portefeuille de vue trop longtemps. Ici ou là, de (vraies) bonnes affaires peuvent se présenter.

Règle 11 : Intéressez-vous en priorité aux opinions des investisseurs qui n’hésitent pas à admettre leurs erreurs.

            Ma note : 2,5

Les gourous médiatiques doivent être considérés avec des pincettes. Il n’est pas rare que ceux qui passent leur temps dans les médias soient aussi ceux qui sont obligés de rechercher la notoriété pour une autre raison que leur performance. Alors, oui, écouter les leçons qu’ils tirent de leurs échecs n’est pas un vain exercice. A condition qu’ils démontrent aussi sur le terrain leur capacité à corriger leur propre tir …

Règle 12 : Changez d’opinion quand les faits changent.

            Ma note : 2,5

Les faits vous donneront parfois tort. Ce n’est pas surprenant. Le monde est complexe et interconnecté : dès lors tout ne se passe pas forcément selon le scénario envisagé. Vous avez tout intérêt à intégrer la nouvelle réalité. Mais, si vous ne devez en effet pas vous obstiner dans une voie sans issue, il ne faut pas non plus tout remettre en cause au moindre titre de votre quotidien économique. Sachez identifier les tendances de fond des simples aléas de l’actualité.

Règle 13 : Relisez les prévisions boursières passées et vous comprendrez qu’il ne faut pas prendre les prévisions en cours trop sérieusement.

            Ma note : 4

J’ai déjà eu l’occasion dans des chroniques précédentes d’écrire tout le mal que je pensais de ces charlatans en tous genres qui se croient capables de dire à combien le CAC 40 ou le S&P 500 finiront l’année. Cela n’a absolument aucun intérêt. Alors, oui, zappez !

Règle 14 : N’attendez pas une situation économique ou boursière « normale » avant d’investir, cela n’existe pas.

            Ma note : 2,5

En effet, l’économie et la finance sont le plus souvent en équilibre instable sur des lignes de crête. A certains moments, l’édifice vacille, voire s’écroule plus ou moins violemment. Cela signifie-t-il que l’investisseur ne doit pas tenir compte des déséquilibres qu’il identifierait comme particulièrement inquiétants ? Je ne le crois pas. Contrairement à un joueur de poker, l’investisseur n’a pas à jouer avec un jeu distribué par un autre : il peut choisir ses cartes. Si une Bourse lui semble trop dangereuse (notamment en matière de valorisation), il peut se limiter à certains segments de celle-ci ou tenter d’en trouver une autre d’apparence plus hospitalière pour son argent.

Règle 15 : Il peut s’avérer difficile de faire la différence entre la chance et l’habileté en matière d’investissement boursier.         

Ma note : 3,5

A quoi est due cette brillante performance que vous venez juste de signer en 2014 ? A un heureux concours de circonstances (merci à vous, chères banques centrales !), à une prévision économique qui s’est avérée judicieuse ou encore à une discipline d’investissement qui a payé cette année davantage que la précédente ? Même avec le recul, tout ceci n’est pas toujours simple à démêler. Le « bon » investisseur se révèle avant tout dans la durée.

Règle 16 : La pertinence de votre diversification se mesure au fait que certains de vos placements performent moins bien que d’autres.

            Ma note : 2

Un portefeuille correctement diversifié comprend en effet des actifs dont les évolutions de cours divergent selon les événements économiques. Mais ces actifs doivent être choisis de façon à ce que l’ensemble du portefeuille soit le plus possible gagnant sur une période temps correspondant à votre horizon d’investissement. Les contre-performances de certains titres ne doivent jamais être, idéalement, que temporaires !

Nous voici enfin en mesure de noter complètement l’élève Morgan, et partant de là, la qualité – selon moi ! – du message véhiculé dans cet article par le Wall Street Journal.

Tout comme lors des 8 premières questions, ce qui est un parfait hasard, croyez-moi, il obtient sur cette seconde partie à nouveau 22 sur 32.

La moyenne générale reste donc identique, à savoir 69%.

Difficile bien entendu d’inférer la qualité d’un quotidien à partir de l’analyse d’un seul article. Mais pour avoir jadis tenu un blog qui reprenait au jour le jour les principales informations à la fois du Wall Street Journal (dans sa version européenne) et du Financial Times, et pour continuer à les lire régulièrement, je peux vous dire que ce sont deux journaux de qualité. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à parfaire votre culture économique et financière au hasard de leurs colonnes.

Bonnes fêtes et à l’année prochaine !

Laissez un avis

Envie d'entreprendre
Logo
Lorsqu’activé, enregistrer les permaliens dans paramètres - permaliens