On ne peut pas tenter et tester par procuration

 Photo Patrick Rey by JLChaumet 600pixPar Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de conseil en portage salarial.

Au moment où beaucoup se demandent “vais-je créer mon activité, mon emploi, mon entreprise ?”… puis hésitent, reculent, abandonnent, d'autres tentent, persévèrent et se testent au passage. La question n'est pas “quand serais-je entrepreneur ?” mais “ai-je réellement envie d'entreprendre ?”.

Le prêt-à-penser n'est pas si différent du prêt-à-manger : l'un et l'autre fleurissent avec les redoutables outils en ligne qui nous servent à communiquer, partager, blogger. Le prêt-à-manger, assemblé à partir d'ingrédients pas toujours très nets par l'industrie agro-alimentaire, se vend non seulement dans des rayons tristes et bruyants de grandes surfaces mais aussi sur internet. On va ensuite aller le chercher en voiture dans un hangar moche et encore plus triste, avant de le consommer devant un écran internet !

Le prêt-à-penser pour entrepreneurs, style “je crée ma boite en 3 clics”, consiste à faire croire aux porteurs de projet qu'ils peuvent réduire quasiment toute incertitude, démarrer vite, avoir de suite des résultats, le tout sans grand effort, sans investissement personnel, qu'il s'agisse d'argent, de sueur ou de jugeotte. Et pourtant, combien d'échecs faut-il pour démarrer, de gadins parfois retentissants, pour quelques réussites parfois exceptionnelles ensuite ? Combien de fois faut-il essayer, rater, se cogner très fort, pour réussir à trouver sa voie, son marché, ses clients ?

C'est la question à laquelle une infographie répond avec des exemples chiffrés tels que les soi-disant 400 tentatives de création d'entreprise de Richard Branson. Plus simplement, si on reprend le célèbre discours aux étudiants de Stanford prononcé par Steve Jobs en 2005, alors au sommet de sa gloire, il expliquait ses trois échecs qui ont contribué à ses énormes succès : (1) études calamiteuses qui ne l'ont pas empêché de co-créer Apple et de devenir multimillionnaire à 25 ans, puis de porter le bébé Macintosh dont l'ADN était tout en élégance graphique, (2) viré de sa boite moins de 10 ans plus tard, ce qui lui a permis de repartir à zéro, (3) le cancer en 2003 qui lui a donné cette pulsion de vie pour rester “fou et insatiable”. Ce cancer qui ne l'a pas empêché de travailler sur deux nouveaux produits qui ont révolutionné l'internet et l'informatique (iPhone sorti en 2007, iPad sorti en 2010).

Fascinés par 1% de start-ups qui réussissent, les créateurs d'activités de services aux entreprises (tels ceux que je rencontre dans le contexte du portage salarial) voudraient souvent aller directement à la conclusion, alors qu'entreprendre c'est être entrepreneur de soi, in fine. Le but oriente l'action, l'action est le chemin, le voyage est l'accomplissement. Tout comme il est bien meilleur pour la santé, le portefeuille et la vie sociale de faire sa cuisine le plus possible et de la partager entre amis, proches ou famille, je crois qu'il est préférable de faire son entreprise avec ses tripes, comme le disait autrement Dan Serfaty hier dans l'émission L'entreprise BFM.

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