« Petite chronique boursière » : OPA sur le Club Med : les petits actionnaires floués ?

Vincent_colot
Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Quand deux
gros actionnaires d’une entreprise, en accord avec le management, lance une
OPA, il n’est pas rare que les petits actionnaires (vous et moi) perdent
quelques plumes au passage, malgré une prime offerte par rapport au cours de Bourse.
Voyons ce qu’il en est dans l’actuel dossier du Club Méditerranée. 

1. Les
faits

Le 27 mai
dernier, le groupe français Club Méditerranée (près d’1,5 md EUR de CA et 45%
de ce CA en France) rendait publique un projet d’OPA amicale (en accord avec le
management) à 17 EUR par titre, soit une prime de 22,7% par rapport au dernier
cours de l’époque, lancé par les deux principaux actionnaires du club (quelque
9% du capital chacun), à savoir le fonds AXA Private Equity et le groupe
financier chinois Fosun International, avec le but, en cas de succès de l’OPA,
de détenir  46% du capital chacun, le
reliquat étant attribué au management.

Sortir le
groupe de la Bourse et le doter d’un actionnariat stable répondent, d’après le
management, à l’objectif d’un développement plus serein d’une offre à plus
haute valeur ajoutée (montée en gamme) davantage axée sur les pays émergents,
Chine en tête.

2. Et le
petit actionnaire ?

Que doit en
penser le petit actionnaire ? Est-il floué dans cette opération, n’ayant de
réel autre choix (sauf à éventuellement garder une action peu liquide) que
d’accepter cette offre à 17 EUR par action ?

Ne distribuant
pas de dividende et handicapé par la crise économique alors même qu’il se
réorganise, le groupe n’est pas facilement valorisable, le bénéfice étant
proche de l’équilibre depuis deux ans. Le management est régulièrement contesté
: certains se souviennent peut-être de la tentative de pression exercée en 2009
par notre Bernard – Nanard- Tapie national qui a revendu rapidement la
participation de 1% qu’il avait acquise, réalisant tout de même une jolie
plus-value au passage (Il faut bien vivre !).  L’OPA en cours est largement opportuniste,
selon moi, le management et les gros actionnaires cherchant à profiter d’un
climat d’incertitude sur la gestion et la conjoncture. Avant le dépôt de
l’offre, les analystes tablaient d’ailleurs déjà sur un objectif de cours aux
alentours de 17 EUR, sur la base d’une prévision de bpa (courant) de 0,37 EUR
en 2013 et de 0,9 EUR en 2014. On le voit, le potentiel de rebond bénéficiaire
(avec à la clé le retour d’un dividende) est important et pourrait s’étendre
au-delà de 2014. Mais le management agite la perspective de nouveaux efforts à
fournir afin d’achever la réorganisation du groupe (davantage de luxe et de
pays émergents). Cette situation risquerait-elle réellement, comme l’affirme le
management, d’affaiblir le cours de l’action au point de faire du Club Med une
proie facile et à vil prix pour un « raider » ? J’en doute : si le groupe avait
communiqué sur un objectif bénéficiaire à moyen terme (à 3 ou 5 ans), il n’y a
guère de raison de penser que l’actionnariat caricaturé comme « instable »
aurait pris peur.

Dans la
situation présente, le petit actionnaire est clairement désavantagé : il ne
dispose pas, à l’inverse des deux gros actionnaires et du management, de toutes
les données nécessaires pour se faire une opinion de la « vraie » valeur du
cours de l’action. Tout au plus, étant donné la proximité entre le prix offert
(17 EUR) et la valeur comptable des fonds propres par action (autour de 15
EUR), il peut légitimement soupçonner que l’offre n’est pas très généreuse, surtout
étant donné la manifeste sous-évaluation du parc immobilier et foncier dans les
comptes et la non prise en compte de la valeur d’une marque bien connue (Club
Med). En outre, le management, invité à entrer dans l’actionnariat, se voit
offrir un prix d’entrée attrayant à partir duquel il pourra profiter du
potentiel de développement du groupe, ce dont ne pourra bénéficier le petit
actionnaire à qui il est demandé d’abandonner la partie : selon l’ADAM
(Association française Des Actionnaires Minoritaires), il y a là un manifeste
problème d’égalité de traitement entre les actionnaires.

3. Encore
un espoir

Tout n’est
pas dit pour autant. Un expert a été désigné, conformément à la législation,
afin de rendre prochainement un avis sur l’équité de l’offre. Imaginons un
instant que cet expert préconise un prix de 19 ou 20 EUR. Les deux actionnaires
devraient alors sans doute sortir du bois et revaloriser leur offre.  Sans compter qu’une contre-offre d’un autre
acteur pourrait se matérialiser, pourquoi pas à 21 ou 22 EUR. Cela se
rapprocherait déjà plus de la véritable valeur de cette action. Un prix
susceptible d’être encore réévalué si une bataille s’engage pour la prise de
contrôle du groupe. Mais ne rêvons pas trop à ce cercle vertueux : l’actuelle
OPA étant amicale (avec l’accord du management), tout autre projet se ferait
dans un climat hostile et moins porteur pour l’offreur. Le cours de l’action
évolue actuellement (j’écris ce texte le mardi 11 juin) à un niveau supérieur à
celui de l’offre, soit 17,7 EUR versus 17 EUR. La Bourse semble croire que
l’offre sera quelque peu relevée pour convaincre d’éventuels actionnaires
réticents. Certains institutionnels ont d’ailleurs déjà fait part de leur
mauvaise volonté à vendre. A ce cours néanmoins, si l’actionnaire historique
peut attendre et voir venir, le spéculateur n’a sans doute plus guère de grain
à moudre.      

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