Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
Vous entrez dans un MacDo et vous vous adressez à l’employé au comptoir :
« Aujourd’hui j’ai très envie de manger une pizza ».
L’employé fait quoi ?
Il est très peu probable qu’il réponde « Pas de problème, cela va augmenter notre chiffre d’affaires ; j’éteins le grill, et je vous fait une pizza tout de suite »…
C’est justement parce que l’on ne fait pas de pizza chez MacDo que leur modèle marche aussi bien et est très difficile à battre.
Et bien, cette hygiène stratégique de MacDo, il y a une profession où elle a beaucoup de mal à être appliquée, c’est le métier du conseil.
Quelle que soit la taille du business de consulting dont on parle c’est toujours le même dilemme : on n’ose pas refuser du business à un client.
C’est ce qui amène certains consultants, à titre individuel ou dans un cabinet, à proposer leurs services sur n’importe quel sujet que leur soumet un client, par peur, s’il refuse, d’être mal vu, ou de faire entrer un concurrent chez ce client.
C’est aussi ce qui amène les plus grosses structures à se cloner les unes les autres dans un « one stop shopping » : chez nous on fait tout. Conclusion : chez aucun, on ne fait quelque chose de vraiment différenciant.
Et inversement, ceux qui, comme MacDo, refusent de faire des pizzas pour être les rois du MacDo, ceux-là sortent du lot, sont ceux dont on parle comme des spécialistes sur les domaines où ils ont choisis d’être excellents, et de tenir leurs promesses.
Ce sont ceux qui ont le courage de dire un mot très difficile : NON !
C’est vrai que c’est extrêmement difficile, et que cette vertu de courage est certainement, comme elle est rare, ce qui permet d’avoir et de conserver un avantage compétitif indéniable.
Ceux dont on parle en louant leur intégrité, leur sens de l’excellence, ceux-là seront les gagnants. Ils auront la réputation de leur stratégie ; ils seront perçus comme différenciants, comme apportant une vraie expérience (comme l’expérience du MacDo).
L’important n’est pas de plaire à tout le monde ; mais au contraire de plaire à ceux à qui on a envie de plaire, et de ne pas plaire à ceux à qui on n’a pas envie de plaire. Et de faire en sorte que l’on ait choisi les bonnes personnes à qui plaire.
Être consultant reconnu, ce n’est pas tendre son tablier pour trouver du business de n’importe quoi, au contraire.
Ce genre de réflexion peut paraître décalé en ces temps où l’on pourrait penser que le business de consulting devrait souffrir.
C’est pourtant le secret de MacDo. Et il nous aide à réfléchir.
Alors, chaque consultant, ou responsable d’une practice de consultant, peut se poser la question simple :
Quel est mon MacDo ?
Quelle est la pizza que je ne ferai jamais, préférant suggérer au client un autre endroit pour satisfaire ce besoin. (Et surtout pas tenter de le convaincre, le jour où il a tellement envie de pizza, qu’il ferait mieux de commander un MacDo).
Pour se donner le courage et la discipline nécessaire, on peut aussi écrire sur la première page de son agenda : Pas de pizza dans mon MacDo.
Ce conseil ne vaut d’ailleurs peut-être pas que pour les consultants qui veulent être d’excellents consultants.
C’est aussi pour tous ceux qui ont la prétention d’avoir et d’exécuter une stratégie différenciante.