Par Bertrand Duperrin (chroniqueur exclusif) – Consultant en Management
Un des grands chantiers nécessaire à la lutte contre la désimplication des collaborateurs est de se pencher sur la question du sens. C'est en effet la perte de sens qui fait souvent qu'un salarié se met de plus en plus en retrait de son entreprise. Savoir où l'on va, à quoi on sert, mesurer son apport individuel à une entreprise globale, voilà, de manière synthétique. ce qui donne du sens à l'implication de chacun.
Un point important de cette création de sens est la vision émanant de la direction et diffusée par le management. La vision n'est pas à caractère opérationnel (c'est la stratégie qui en découle qui l'est) mais elle permet de savoir où l'on va, pourquoi, et de comprendre ce qui sous-tend la prise de décision.
Ce caractère "non opérationnel" fait que parfois on confond vision et discours de politique générale, ce qui est une erreur gravissime. Le discours de politique générale a souvent pour vocation de "dire des choses qui font plaisir", on y parle souvent d'autonomie, d'épanouissement, de valorisation, d'initiative, concepts en général chers aux collaborateurs. On constate à l'inverse une désimplication de plus en plus forte de ceux-ci. Paradoxal ?
Pas tant que cela. On oublie que ça n'est pas parce qu'on est dans l'ordre de l'idée qu'il faut se dispenser de penser aux moyens nécessaires. On n'implique pas sur "autonomie, initiative" si rien de concret ne vient étayer ces propos. Un tel discours n'a pas pour vocation de faire rêver mais de donner une impulsion. On ne devient pas autonome par décret mais par une évolution de l'organisation. Si cette évolution n'a pas lieu, le discours devient lettre morte et affecte la crédibilité de celui qui le tient. d'impliquant il devient désimpliquant.
Il faut donc, derrière les mots, se demander ce que cela recouvre et implique pour l'avenir. Il est difficile au quotidien d'avoir un alignement parfait entre les idées et les actes. Mais on peut se faciliter la tâche en évaluant les conséquences de ses idées en amont, quitte oublier quelque chose qui nous est cher mais dont on sait que ça n'est pas réalisable.
Lorsqu'on élabore un tel discours il faut avoir à l'idée qu'il descendra en cascade tous les échelons du management qui le rendront de plus en plus opérationnel. Sans moyens les managers seront pris entre deux feux et abandonneront. Avec un discours sans effets les collaborateurs lacheront également prise.
Le discours n'est donc pas un exercice de style mais le fondement d'un plan d'action. Partant de là :
– il faut être prêt à donner les moyens à ceux qui rendront le discours opérationnel
– si on projette une transformation de l'entreprise, le discours peut en être l'acte fondateur
– toujours aligner actes et promesses. Et ne rien promettre si l'on sait que l'on ne pourra pas tenir.
Quelques règles de bon sens trop souvent sacrifiées sur l'autel des bonnes paroles qui n'engagent finalement pas que ceux qui les écoutent.