Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Je dois déjà l’avoir souligné : en Bourse, plus que dans tout autre domaine, vous devez vous méfier des évidences.
Ainsi, que disaient la majorité des experts en ce début d’année 2008 ? D’abord, en raison de la crise des « subprimes », mieux vaut investir en Europe qu’aux Etats-Unis. Malheureusement, la baisse des Bourses européennes n’est, à ce jour, pas moins marquée que celle de New York. Ensuite, les pays émergents seront peu touchés par la crise car leurs économies sont prétendument « découplées » des économies matures. En fait, les Bourses des pays émergents ont également plongé. Et, enfin, la hausse des prix des matières premières n’est pas prête de s’arrêter. La réalité a été que la crise économique a fait éclater cette bulle avec, notamment, un baril de pétrole à un prix nettement plus bas qu’en début d’année.
D’autres évidences dont il faut vous méfier ? Assurément !
Il est une pratique largement consensuelle chez les investisseurs, institutionnels comme privés. Selon la position de l’économie au sein de son cycle, il est recommandé d’investir dans tel secteur plutôt que dans tel autre : cette rotation sectorielle, si elle est correctement appliquée, est censée apporter quelques points de performance supplémentaires.
Des chercheurs américains ont tenté d’y voir plus clair en confrontant la théorie avec la réalité. Ils ont d’abord dressé la liste des différents secteurs dans lesquels investir « conventionnellement » aux différentes phases d’un cycle. La voici :
Phase 1 (début d’expansion) : la technologie et les transports ;
Phase 2 (milieu d’expansion) : les matériaux de base (y compris la chimie), les biens d’équipement et les services ;
Phase 3 (fin d’expansion) : les biens de consommation non cyclique (y compris la pharmacie) et l’énergie ;
Phase 4 (début de récession) : les « utilities » (distribution de gaz, d’électricité, télécoms) ;
Phase 5 (milieu de récession) : les biens de consommation cyclique et la finance.
Ils ont alors appliqué aux cycles économiques américains de 1948 à 2007 (soit neuf cycles complets) une stratégie d’investissement collant à cette typologie.
Résultat ? A première vue, la stratégie semble gagnante : en effet, la rotation sectorielle permet de dégager une performance annuelle supplémentaire (par rapport au marché) de 2,3%. Mais, dans la réalité, cet avantage n’est guère significatif : il faut en effet déduire les frais de transaction (vendre les secteurs de la phase précédente pour en racheter d’autres) et, pire encore, lever l’hypothèse selon laquelle les investisseurs, à tout moment, savent parfaitement dans quelle phase de cycle ils se situent. Ce qui est tout sauf évident !