Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Depuis l’essor de l’Internet, l’information financière est présente, partout, tout le temps. Mais, même s’il a de nos jours accès, gratuitement ou à faibles coûts, à des bases de données jusqu’il y a peu réservées aux professionnels, le petit actionnaire se sent souvent laissé pour compte dans un domaine précis. Au-delà des résultats publiés régulièrement (au mieux, tous les trimestres), il aimerait souvent en effet plus d’informations de qualité en provenance des entreprises dont il détient des parts du capital.
La situation
Certes, il existe les assemblées générales où les actionnaires peuvent se faire entendre et poser leurs questions. Mais elles sont, par définition, rares et pas toujours commodes d’accès. Sur Internet, les forums de discussions entre investisseurs existent bel et bien mais la qualité est inégale et la crédibilité des intervenants douteuse. Quant aux sites officiels des entreprises, ils comprennent généralement une section dédiée aux investisseurs avec une foire aux questions (en anglais FAQ ou "Frequently Asked Questions") et une possibilité offerte d’envoyer des questions au responsable des relations avec les investisseurs. Pour les particuliers, ces sources d’informations sont surtout utiles pour des renseignements à caractère technique ou administratif (date de versement d’un dividende, modalités d’une division d’actions, etc.) : il serait vain d’en attendre des réponses OBJECTIVES par exemple quant à la qualité des derniers résultats ou encore la pertinence d’un investissement en cours.
Un effort à fournir
C’est bien là que le bât blesse : où le petit actionnaire peut-il trouver une information pertinente et autorisée sur des sujets concernant la situation actuelle ou les perspectives des entreprises ? Sans verser dans l’utopie de la transparence absolue (une aberration, ne serait-ce que du point de vue de la discrétion vis-à-vis des concurrents), il est souhaitable que les entreprises fassent un effort en ce sens. Internet est une nouvelle fois incontournable : idéalement, via un blog dédié, ces ECHANGES entre une entreprise et ses actionnaires nécessiteraient un intermédiaire, issu de cette entreprise, mais qui aurait à cœur de relayer un "discours vérité". On connaît par ailleurs des blogs d’entreprise (entre entreprises et clients) à vocation purement commerciale : y sont relatées des expériences de consommation des produits ou des services vendus par l’entreprise avec pour unique objectif d’accroître le chiffre d’affaires. Dans le cas qui nous occupe, les actionnaires recherchent davantage une relation de confiance basée sur la crédibilité de l’interlocuteur qui ferait passer de l’information vers les actionnaires et qui serait le modérateur des échanges entre les actionnaires, au nom de son entreprise.
Ca existe, ça ?
Un doux rêve ? Pas vraiment. Certes, les exemples sont rarissimes mais épinglons principalement la démarche de l’équipementier télécoms canadien Nortel où un certain Bo Gowan, par ailleurs responsable des relations avec la presse, tient un blog sur l’actualité de l’entreprise (http://blogs.nortel.com/buzzboard/) où il fait la part belle à l’information financière : les actionnaires sont alors libres de réagir, d’interagir entre eux et de reposer des questions, sous la houlette de ce modérateur. Cette initiative est d’autant plus louable que la situation de Nortel n’est guère brillante (risque de faillite) et que Bo Gowan ne minimise pas les difficultés. Autre exemple, le spécialiste de la vente sur Internet entre particuliers, l’américain Ebay, a également engagé un blogueur responsable d’un espace où discussions et débats sont menés quant à l’évolution de l’entreprise (http://ebayinkblog.com/). Idem du côté de la communication financière du géant de l’informatique américain Dell (http://en.community.dell.com/blogs/dell_shares/default.aspx). Répétons-le : il s’agit de blogs officiels des entreprises et non d’initiatives de quelques farfelus en mal de reconnaissance. Bien entendu, les actionnaires internautes ne pourront jamais être assurés a priori de la totale indépendance et liberté de propos de ces intermédiaires. Mais au fur et à mesure des échanges, il n’est pas si malaisé d’en déduire si une certaine crédibilité s’en dégage. Attention, la nature des sujets traités dépend entièrement du ou des rédacteurs du blog : c’est lui (eux) seul(s) et non les actionnaires qui décide(nt) l’ordre du jour. C’est regrettable mais compréhensible pour garder un minimum d’ordre et de lisibilité.