« Petite chronique boursière  » : Un nouveau Président ! Et la Bourse ?

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Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Il est rarement facile d’interpréter les mouvements de la Bourse. Même si les journaux regorgent quotidiennement d’explications sur le pourquoi des soubresauts des indices ou de telle ou telle action, l’exercice reste périlleux et cela pour une très bonne raison : le marché est une entité intangible dont on ne peut donc pas cerner les motivations à coup sûr.  On ne peut pas interviewer Mister Market (surnom que Warren Buffett donne à la Bourse).

A cet égard, aux Etats-Unis, la période boursière qui va du 15 septembre à l’élection présidentielle est très intéressante.

Le 15 septembre 2008, c’est la faillite de la prestigieuse banque d’affaires Lehman Brothers. Tout à coup, la crise financière liée à la crise immobilière des subprimes, déjà présente depuis de longs mois, prend une nouvelle ampleur : et si le système financier international venait subitement à s’effondrer ? Cet épisode dramatique marque, simultanément, le début de l’inexorable montée dans les sondages de Barack Obama, tandis que John McCain s’embourbe. Et, du 15 septembre au 27 octobre, l’indice S&P 500 (reprenant les 500 principales valeurs de la Bourse de New York) baisse de près de 30%.

Voici trois éléments : la crise économico-financière, l’inexorable montée d’Obama dans les sondages et la chute boursière. Comment relier les trois ?

Assez clairement, Barack Obama a profité de la crise économico-financière : lui qui avait depuis le début principalement axé sa campagne sur les questions économiques en a retiré logiquement les fruits.

Mais quid de la Bourse ? Du début 2008 au 15 septembre, la Bourse américaine avait déjà perdu près de 20%. La faillite de Lehman Brothers est-elle une surprise ou la Bourse avait-elle anticipé, au moins en partie, cet élément ? Le sauvetage in extremis au printemps précédent de Bear Sterns laissait bel et bien entrevoir qu’une grande banque d’affaires pouvait sombrer. Assez vite, il est apparu que les autorités monétaires suivaient l’affaire de près : en abandonnant Lehman Brothers à son sort, elles prenaient un risque, certes, mais un risque calculé car elles avaient la possibilité de recourir à un plan plus ambitieux de sauvetage de l’ensemble du système. Ce qu’elles ont finalement fait. Alors, pourquoi une telle correction boursière générale ? Pour certains, l’explication est simple : la Bourse n’avait simplement pas anticipé la récession économique qui allait suivre la crise financière. Difficile de souscrire à l’hypothèse de cette brusque myopie, d’autant plus que la récession était déjà perceptible avant l’épisode Lehman Brothers. Reste alors le facteur … Obama ! C’est l’élément le plus probant. Tout autant que son inexpérience, le programme du jeune sénateur inquiète : relèvement des barêmes salariaux, fiscalité plus lourde, suspicion à l’égard des entreprises, … tous des éléments qui ne plaisent guère au monde des affaires et donc à la Bourse. Durant les quelques jours précédant l’élection, la Bourse américaine a par contre rebondi : du 27 octobre au 4 novembre, la Bourse regagne près de 20%. A nouveau, comment l’interpréter ? Pour certains, la proximité de l’élection signifiait que l’incertitude politique allait être levée, ce qui ne pouvait que clarifier la situation. D’autres y virent le signe que John McCain parvenait à regagner du terrain sur son rival dans les sondages. Si, comme je le crois, cette seconde hypothèse a un peu de crédit, alors la baisse boursière précédente à cause d’Obama en a également. Une fois Barack  Obama effectivement élu, la Bourse a d’ailleurs immédiatement rechuté (10% en deux jours).

Comprenez-moi bien. La chute automnale de la Bourse américaine (les Bourses européennes ayant d’ailleurs évolué parallèlement, par mimétisme) due en majeure partie à un Barack Obama favori des sondages n’est qu’une interprétation. D’autres argumenteront avec autant (voire plus) de persuasion que l’élément politique est finalement mineur et que l’évolution d’une situation économique pire que redoutée a été la principale responsable de la glissade boursière. J’ai surtout désiré démontrer qu’expliquer l’évolution de la Bourse n’est jamais chose aisée.

Le facteur politique jouera-t-il encore dans les prochains mois ? Rien n’est moins sûr. Barack Obama, devant composer avec le Congrès, peut s’avérer un Président nettement plus raisonnable et conventionnel que ce que sa campagne a laissé supposer. Et la gestion des problèmes économiques lourds que connaissent les Etats-Unis devrait reprendre le dessus. Jouer le facteur politique est d’ailleurs dangereux. Signalons qu’aux Etats-Unis, les présidences démocrates ne sont en moyenne pas plus néfastes pour la Bourse que les présidences républicaines. Et d’ailleurs, si vous aviez investi en Bourse au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle dans un climat a priori favorable au monde des affaires, mal vous en aurait pris : depuis lors, le CAC 40 a perdu quelque 40%.