Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
En Bourse, la meilleure façon de gagner de l’argent, c’est bien souvent de … ne pas en perdre. Il n’est pas rare, en effet, qu’un investisseur signe une performance honorable sur la majorité de titres détenus en portefeuille mais essuie un revers retentissant sur une ou deux lignes. Au total, il s’estimera tout heureux si son bilan d’ensemble n’est pas négatif.
Pour éviter, autant que possible, ce type de situation, vous avez tout intérêt à dresser rapidement une carte du risque dit d’investissement de toute action qui vous intéresse. Kekseksa ? Il s’agit du risque que vous encourez de voir la valeur d’une action baisser sensiblement, sans grand espoir à court ou à moyen terme d’assister à un relèvement du cours.
Comment faire ?
1. Y a-t-il un risque de faillite ? Une situation sectorielle dangereusement chaotique (comme celle du secteur financier dernièrement aux Etats-Unis), une exposition à une dette trop importante ou encore de sérieux ennuis judiciaires (pouvant se solder par une amende record) peut amener une entreprise à la faillite. Ce risque, faut-il le souligner, reste rare, surtout pour les grandes entreprises.
2. L’entreprise fait-elle face à une des trois situations spécifiques suivantes ? :
a. Une restructuration d’envergure : pas simple à mener de front avec la poursuite du développement compétitif de l’activité
b. Une disruption sectorielle : la règle du jeu est en train de changer dans le secteur sans qu’on puisse prévoir comment cela va évoluer à moyen terme. Ce fut le cas, par exemple, du secteur télécoms lors du tournant de l’Internet et de la mobilophonie. Tout n’est d’ailleurs pas encore très clair !
c. S’agit-il d’une petite entreprise très exposée à l’innovation technologique ? Un faux pas dans la gestion stratégique peut rapidement s’avérer fatal.
3. L’entreprise est-elle exposée à un « business risk » particulier ? Est-elle trop spécialisée, ou au contraire trop diversifiée sur des domaines très différents ? Recourt-elle fréquemment à la croissance externe (ç-à-d aux acquisitions) avec le risque d’intégration des actifs acquis que cela comporte ? Sans qu’il soit déjà matérialisé, un risque judiciaire pourrait-il concerner cette entreprise, du fait de son secteur d’activité et/ou de son comportement éthique ?
4. La qualité bénéficiaire est-elle satisfaisante ? Ce point est un peu plus technique : sans entrer dans les détails, disons que l’investisseur étudiera, sur les dernières années, le tableau de l’évolution des liquidités de l’entreprise (en anglais : le « statement of cash flows »). Une « bonne » entreprise tirera, de son activité, sensiblement plus de cash flows que de bénéfices et investira régulièrement mais sans excès de façon à ne pas déséquilibrer ses finances.
5. L’investisseur, petit actionnaire minoritaire, peut-il faire raisonnablement confiance à l’équipe dirigeante de l’entreprise ? Une bonne gouvernance de l’entreprise sera notamment caractérisée par l’existence d’un directeur général ET d’un président du conseil d’administration (si une personne exerce les deux rôles, elle est à la fois juge et partie), par la présence au sein du conseil d’administration de plusieurs administrateurs indépendants (sans liens capitalistiques ni de subordination actuelle ou passée avec le management) et par la règle selon laquelle chaque action détenue donne droit à un vote en assemblée générale (le principe dit du « one share-one vote »). L’investisseur vérifiera également si l’information financière est divulguée régulièrement et en quantité et qualité suffisantes sur le site Internet de l’entreprise.
Si l’entreprise sur laquelle vous lorgnez fait significativement défaut sur l’un de ces 5 points, alors prudence ! Si les manquements concernent plusieurs de ces points (voire même le seul point de la perspective de faillite), alors mieux vaut abandonner le projet d’acheter cette action. A tout le moins, vous serez prévenu : en ce domaine, un investisseur averti en vaut largement trois …