Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Après une année 2008 qui a vu le CAC 40 chuter de près de 43%, tentons de reprendre un peu de hauteur et de tirer quelques conclusions. Ce n’est pas si évident : étant donné l’assourdissant (et souvent vain) bruit médiatique, il est presque aussi difficile d’analyser sereinement le présent ou le passé récent que de prédire la suite des événements.
1. Un raisonnement simpliste consiste à dire que la crise financière et la récession économique qui débute expliquent tout naturellement le krach boursier. Si les bénéfices des entreprises sont appelés, selon certains, à baisser de 40% en 2009, alors il serait normal que la Bourse suive dans la même proportion.
2. Pourquoi est-il simpliste, ce raisonnement ? Parce que un cours de bourse (et donc un indice boursier) ne dépend pas que de l’année en cours ou de l’année suivante. Il représente, via un calcul d’actualisation, tous les revenus générés pour les actionnaires sur toute la vie (estimée) d’une entreprise (ou de plusieurs dans le cas d’un indice). Donc, même si une année est calamiteuse, un cours de bourse n’a pas nécessairement vocation à s’écraser.
3. Alors, que s’est-il passé ? Il ne fait plus guère de doute aujourd’hui que les niveaux boursiers du début 2008 étaient trop élevés. La croissance des bénéfices des entreprises reposait pour une bonne part sur un recours massif et excessif à l’endettement (des ménages, des entreprises et des Etats). La crise a surtout agi comme un révélateur de ces excès et de cette surévaluation. D’où la brutale correction. Et le monde d’après-crise (mais quand débutera-t-il ?) reste encore à inventer, ce qui alimente l’incertitude et donc aussi un certain malaise boursier persistant avec une forte volatilité qui devrait perdurer. A tout le moins, les déficits qui se creusent avec les plans de relance n’augurent rien de bon à moyen et long terme.
4. Sur une période de 10 ans, après des hauts et des bas, la Bourse n’a finalement rien rapporté. La « nouvelle économie » au tournant du millénaire n’a pas tenu ses promesses : boom et puis krach boursier. Et la période 2003-2007 était également dopée, cette fois grâce à de l’argent trop bon marché qui a nourri une bulle immobilière (surtout aux Etats-Unis mais pas seulement) et boursière avant un nouveau krach.
5. Il est donc inquiétant de constater que les économies occidentales, surfant sur des cycles de booms et de krachs dont l’amplitude ne cesse de surprendre, ne parviennent plus à créer de la « vraie » richesse durable. Dans un monde aux ressources finies, le centre de gravité économique se déplace peu à peu vers des économies émergentes qui revendiquent leur place et qui ont encore un fort potentiel de développement, principalement au Moyen-Orient, en Asie et, dans une moindre mesure sans doute, en Amérique latine (l’Afrique restant un rêve plus lointain). La puissance de ces contrées se marque notamment par leurs fonds souverains qui se portent actuellement au secours d’entreprises occidentales en difficultés.
6. Pour les économies et les Bourses occidentales s’achève sans doute un cycle de forte croissance de 25 ans. Globalisation oblige (avec son cortège de crises alarmantes : crise alimentaire, crise énergétique, crise environnementale), les règles du jeu vont évoluer, voire dramatiquement changer. Face à une complexité qui ne fera que croître et à des imprévus qui resteront la règle, les prévisionnistes sont condamnés à se tromper. Dans ce contexte, dire que les Bourses sont aujourd’hui bon marché et que des rendements alléchants attendent les investisseurs serait aller un peu vite en besogne : disons juste que la surévaluation est vraisemblablement derrière nous. Plus que jamais, l’investisseur boursier devra rester curieux de toutes les opportunités qui se présentent sur une échelle mondiale. Partant de là, sa tâche sera de perfectionner ses modèles de valorisation et sa compréhension des risques.