Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Il y a un peu plus de an, je consacrais une
chronique à l’épineuse question suivante : est-il possible de se faire
rapidement une idée quant à la cherté d’une action ? Prenant l’exemple du
groupe américain de vêtements et accessoires d’extérieur VF Corporation (connu
pour ses marques Lee, Wrangler, North Face, Kipling, etc.), je vous avais
proposé une petite méthodologie pour parvenir en un quart d’heure maximum à une
première conclusion.
Pour rappel, il s’agissait d’établir la
capacité bénéficiaire moyenne du groupe sur la période d’un cycle économique et
d’en inférer la valeur de l’action hors de toute considération de croissance
future. Pour les détails techniques, reportez-vous à cette
chronique.
Je rapprochais alors la valeur obtenue (68
USD) du cours boursier de l’époque (80 USD) pour aboutir au diagnostic
suivant : VF Corporation n’était pas, a priori, une action suffisamment
chère que pour ne pas approfondir le dossier.
Un an (et une crise mondiale) plus tard, où
en sommes-nous ?
Au terme de cette période extrêmement
troublée, VF Corporation n’aura finalement perdu ni plus ni moins que l’indice
général américain, le S&P 500, à savoir quelque 10%. L’action cote en effet
aux alentours de 72 USD (au 21 septembre). A tout le moins, lorsqu’une action
n’apparaît pas comme grossièrement surévaluée, il ne faut jamais désespérer
quels que soient les environnements économique ou boursier : perdre 10%
dans un contexte très perturbé n’est en effet pas la fin du monde.
Allons cependant un peu plus dans le
détail. Que constatons-nous ? Dans un premier temps, le cours de l’action
VF Corporation a perdu sensiblement plus de terrain que l’indice : dans le
creux du mois de novembre, victime de la panique générale quant aux
perspectives de l’économie américaine, l’action avait perdu 50% pour coter aux
alentours de 40 USD ; dans le même temps, la perte de l’indice restait en
deçà de 40%. Certes, après coup, il est toujours facile de faire son malin. Il
n’empêche : à ce cours de 40 USD, soit à un niveau largement inférieur à
celui de 68 USD diagnostiqué alors comme étant celui correspondant à la
capacité bénéficiaire du groupe, l’action pouvait être considérée comme bon
marché, vu le rebond de 80% opéré depuis lors. C’est là une des vertus de cette
méthodologie : une forte décote du cours par rapport à cette valeur doit
attirer d’autant plus l’attention de l’analyste en quête de bonnes affaires. Un
indicateur utile mais pas suffisant, rappelons-le : il ne doit pas se
substituer à une analyse plus fine du profil du groupe.
Au cours de 72 USD, la bonne affaire n’est
évidemment plus aussi évidente. Ajoutons en effet les données de 2008 pour
actualiser le calcul : la rentabilité sur fonds propres en 2008 était de
16,7%, ce qui donne un bénéfice par action moyen de référence de 5,7 USD ;
en utilisant un taux d’actualisation de 9% comme il y a un an, on obtient une
valeur de 63,3 USD. La prime du cours boursier de 14% (72 USD par rapport à
63,3 USD) est à peu près comparable à celle qui existait il y a un an (80 USD
par rapport à 68 USD). Cette prime semble, à première vue, raisonnable étant
donné les perspectives de croissance rentable du groupe et sa structure
financière saine. Mais seule une analyse plus détaillée des fondamentaux du
groupe apportera des éléments plus probants pour étayer cette thèse. A tout le
moins, en cas de nouvel affaiblissement de la Bourse, si le cours de VF
Corporation devait tomber largement sous la barre des 63,3 USD, cette analyse
mériterait d’être menée à son terme ! Car je n’insisterai jamais assez un
point qui me paraît fondamental : l’investisseur fera toujours mieux
d’acheter une action lorsque son cours est faible plutôt que de tabler sur
l’hypothétique excellence d’une stratégie d’entreprise.