« Petite chronique boursière » : Allô, le CAC 40 ?

Vincent_colot
Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Une difficulté majeure, avec la Bourse, est
que l’on ne comprend pas toujours immédiatement les raisons de telle ou telle
variation, même substantielle, de cours. Malgré la bonne volonté évidente des
sources d’informations financières à trouver à chaque fois une explication, le
doute peut subsister dans la tête des investisseurs. Est-ce bien la
« bonne » explication ? Et, d’ailleurs, y a –t-il toujours une « bonne »
explication, autre qu’un mouvement d’humeur boursière temporaire ?
Monsieur CAC 40 ne répond malheureusement pas aux interviews ! …

Prenons un exemple ni totalement opaque ni
totalement transparent … Bref, un exemple flou au sujet duquel la presse n’a pu
être totalement convaincante.

Le 26 mai dernier (il y a donc tout juste
un mois), Danone annonce une toute prochaine augmentation de capital pour un
montant de quelque 3 milliards d’euros (sans donner encore le prix d’émission
des actions nouvelles). A cette nouvelle, le cours décroche et passe de 39,5
EUR à 37,5 EUR. Quelques jours plus tard, alors que le cours a continué à
quelque peu s’effriter et après que le timing et les conditions de l’opération
ont été rendues publiques (un peu plus de 123 millions d’actions nouvelles à un
prix d’émission de 24,73 EUR), le cours perd de nouveau et logiquement quelques
plumes car alors est détaché le droit de souscription préférentiel : le
cours de l’action baisse à nouveau de quelque 2 EUR, ce qui correspond à la
valeur du droit désormais coté et dont la raison d’être est de permettre aux
actionnaires existants de Danone qui ne voudraient pas souscrire à cette levée
de capitaux de ne pas être lésés financièrement.

On comprend donc bien la seconde baisse (qui
n’est qu’apparente pour l’actionnaire puisqu’il peut ou souscrire à un prix
intéressant ou vendre ses droits). Mais quid de la première, lors de l’annonce
de l’augmentation de capital ? Est-elle conditionnée à ce moment-là à une
hypothèse que fait le marché (c-à-d. l’ensemble des investisseurs) quant au
prix d’émission des nouvelles actions ou non ? Selon que le prix
d’émission sera fixé à tel ou tel cours (par exemple 25 ou 15 EUR), il y aura
bien évidemment plus ou moins de nouvelles actions qui vont arriver sur le
marché, ce qui pourrait entraîner un plus ou moins grand effet de dilution sur
le bénéfice par action. En fait, non, ce ne peut être l’explication : cet
impact est pris en compte par le droit de souscription préférentiel dont la
valeur sera d’autant plus élevée que le prix d’émission sera faible. Il n’y a
aucune raison « mathématique » d’un ajustement de cours lié au prix
d’émission des nouvelles actions, avant le détachement des droits. Tout au plus
pourrait-il y avoir un impact psychologique : en effet, plus le management
décide d’un prix d’émission inférieur au cours de l’action cotée et plus il
laisse à penser que peut-être il craint que, durant la période de souscription,
le cours de bourse puisse connaître un creux important. En effet, si le cours
de bourse tombe sous le prix d’émission pendant la période de souscription,
personne n’a intérêt à souscrire au prix d’émission.

Alors quoi ?

Serait-ce que le marché voit d’un mauvais
œil le remboursement d’une partie des dettes (un des objectifs annoncés de
l’opération) grâce à l’apport de capitaux propres frais ? On pourrait
presque adopter cette explication : tant qu’une activité rapporte plus
qu’elle ne coûte en rémunération de la dette qui la finance, une entreprise a
en effet tout intérêt (!) à s’endetter, d’autant plus que l’entreprise peut
déduire de ses impôts la charge d’intérêts. Une substitution d’une partie de la
dette de Danone par des fonds propres serait donc de nature à chagriner les
actionnaires. Mais le raisonnement est un peu court. Car, même si Danone ne
souffre pas d’une situation financière préoccupante, sa marge de manoeuvre est
limitée. Et dans le contexte actuel où les consommateurs optent de plus en plus
pour les marques de distributeurs moins chères, la prudence financière peut
davantage être considérée comme une vertu. Alors, même si la prévision de
bénéfice par action de l’année prochaine souffre un peu de cette substitution
capital/endettement, il n’y a pas de raison de penser que les investisseurs
pénalisent le cours de l’action pour cette raison.

Poursuivons notre quête. N’y aurait-il donc
aucune raison à cette baisse de cours du 26 mai ? Un accident boursier
malencontreux ? Cela semble peu probable, d’autant que cette réaction eut
lieu directement après l’annonce de l’augmentation de capital.

L’origine du problème est sans doute à
trouver dans ce qu’on appelle « l’asymétrie d’information » entre le management
et les actionnaires. Kekseksa ? Cette augmentation de capital, malgré tout
sensible dans son montant, a pris par surprise les investisseurs. Alors, tout
naturellement, ils se sont posés la question suivante : « Qu’est-ce
que le management nous cache ? ». En d’autres termes : n’y
aurait-il pas anguille sous roche ? Ce besoin soudain de fonds
indique-t-il une dégradation des perspectives de Danone ? Sans ces fonds,
Danone pourrait-il avoir des difficultés déjà prévisibles de remboursement de
sa dette ? Ou encore, cet argent va-t-il servir à aider à financer une
acquisition coûteuse, comme ce fut déjà le cas par le passé avec le rachat du
néerlandais Numico ?

En bref, si le cours de Danone a baissé ce
26 mai, ce n’est pas, comme l’affirme pourtant Frank Riboud, PDG du groupe, en
proportion « à peu près de la dilution entraînée par l’augmentation de
capital », mais bien en raison de la légitime suspicion des investisseurs
devant une opération dont ils craignent qu’elle ne cache un cadavre dans un
placard.

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