« Petite chronique boursière  » : Elections américaines : le contre-pied médiatique

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

J’ai déjà eu l’occasion de vous mettre en garde contre les experts qui affirment pouvoir « timer » le marché, à savoir déterminer avec une assez fine précision la direction boursière dans un futur proche.

C’est d’ailleurs dans ce sens que je veux bien admettre que le marché est efficient : il l’est au sens où la direction qu’il prendra demain est largement imprévisible (et non parce que l’information est correctement intégrée dans les cours, ce que je ne crois pas être le cas la majeure partie du temps).

N’y a-t-il donc aucun moyen de sentir, ne serait-ce qu’intuitivement (sans recourir donc à de trop savants calculs), comment le vent boursier va tourner ? Peut-être bien que si, tout de même. Mais encore vous faudra-t-il ne pas être ni trop exigeant dans la systématicité de l’approche (qui ne fonctionne pas à 100%) ni trop pressé dans la réalisation des résultats (qui ne se matérialisent pas sur quelques semaines).

Selon une recherche de deux analystes de la banque américaine Citigroup, un bon indicateur « contrarien » serait la prise en considération des couvertures de grands newsmagazines politiques et économiques. En effet, ils ont analysé les couvertures de l’hebdomadaire « The Economist » entre 1998 et 2016 en retenant celles qui indiquaient clairement un sentiment optimiste ou pessimiste, principalement sur un pays ou un secteur d’activité. Qu’ont-ils constaté ? Après un an, dans près de 70% des cas, le signal envoyé par de telles couvertures étaient clairement « contrariens » sur un plan boursier : acheter un actif si la couverture du magazine est pessimiste (par exemple, un fonds d’actions européennes si la couverture est négative sur l’Europe) permet d’engranger en moyenne sur la période un rendement annuel de 18% tandis que vendre à découvert (donc, jouer à la baisse) un actif en cas de couverture optimiste engendre un rendement de 7,5%.

Comment l’expliquer ? Les couvertures des magazines se font rarement sur une prévision d’un journaliste. Leur fonction est plutôt d’enfoncer le clou d’un mouvement déjà bien ancré dans les faits et donc aussi, le plus souvent, dans les cours boursiers. Pour ceux qui s’en souviennent, j’évoquerai ici à titre d’illustration la célèbre couverture du magazine américain Business Week titrant en 1979 sur la mort des actions (« Death of Equities »), soit 3 ans à peine avant le début du grand rally haussier de la fin du XXe siècle. Dès lors, il n’est pas rare que, lorsqu’un magazine de cette nature prend position de façon optimiste ou pessimiste, l’événement ou la tendance qui est relaté se trouve en fait à la fin de son développement ou est déjà en train de se retourner. D’où l’opportunité de miser en sens contraire car la Bourse, vous le savez, anticipe.

Quid des élections américaines ? J’écris cette chronique mardi 8 novembre, alors qu’elles n’ont pas encore rendu leur verdict. Bien entendu, je ne sais pas encore comment les grands magazines mondiaux vont titrer sur l’événement. Je ne reviendrai pas sur cette chronique d’ici à vendredi. Tentons un peu de prospective, sans filet. Une nette victoire de Clinton aurait de quoi rassurer l’establishment économico-financier : méfiez-vous dans ce cas de tout enthousiasme des journalistes. Si Trump l’emporte, les couvertures seront sans doute plus sombres de lourdes menaces pesant sur le pays : il y aurait peut-être alors un coup à jouer, surtout si une (sans doute) brève panique devait s’emparer à court terme des marchés et si le dollar s’affaiblissait. Attendez quelque peu dans ce cas que la volatilité s’atténue. Une couverture « honnête » qui ne serait ni optimiste ni pessimiste mettrait en évidence, selon moi, l’affaiblissement de la démocratie américaine après plusieurs mois de débats médiocres entre deux candidats peu reluisants, sanctionnant de vives tensions au sein de la population. Avant de prendre sa décision, l’investisseur devrait en toute hypothèse tenir compte de cette dégradation du risque politique alors même que les niveaux de valorisation de la Bourse américaine restent assez élevés.

Faites vos jeux …

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