« Petite chronique boursière  » : En finir avec l’histoire/géo en terminale F ?

Vincent_colot
Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Nous sommes en 2030. Depuis 6 ans, le CAC 40, à l’unisson de toutes les grandes bourses
mondiales, bat record sur record et se rapproche des 20000 points.
Rencontrant ainsi une des promesses de campagne du Président de la République,
le Ministre de l’Argent Facile, en étroite collaboration avec celui de la
Désinformation Nationale, abolit une des dernières bizarreries de la terminale Finance
(la terminale F) : désormais, les étudiants ne suivront plus de cours
d’histoire et de géographie durant leur dernière année. En effet, à quoi
peuvent bien servir ces matières aux futurs diplômés désireux de se spécialiser
en évaluation d’actifs financiers ou en montages de fusions et acquisitions ?
Ils ont déjà bien trop à faire avec les mathématiques et les
probabilités !

Retour en décembre 2009. Gageons qu’un tel
scénario ne se matérialise jamais (sauf pour ce qui est du CAC à 20000, bien évidemment) ! Si des notions
d’économie sont sans doute utiles aux bacheliers, il serait éminemment regrettable
de formater de trop jeunes têtes dans une pure logique financière par la
création d’une terminale F. Ensuite, quelle que soit l’orientation choisie, les
cours d’histoire et de géographie restent de première importance. Oui, même
pour les disciplines économiques et financières.

Après l’éclatement de la bulle boursière
alimentée par la fascination des nouvelles technologies (bulle dite
« Internet ») au tournant du 21e siècle, beaucoup avaient
déploré la jeunesse des analystes financiers qui avaient fixé des objectifs de
cours (« price targets ») déraisonnables pour bon nombre d’actions
d’entreprises technologiques. Des critiques du même genre, mais moins virulentes,
ont également vu le jour après le dégonflement de la bulle immobilière et
financière en 2008. Mais le problème n’était pas tant que les analystes fussent
jeunes mais bien qu’ils n’eussent pas de culture historique suffisante pour
analyser la situation avec du recul. Car l’histoire du capitalisme est émaillée
de crises boursières ayant pour origine soit une vague d’innovations
technologiques soit un trop plein de liquidités trop bon marché.

Sans doute l’histoire n’a-t-elle pas
réponse à tout et, à tout le moins, comparaison historique n’est pas
automatiquement raison. Mais se replonger dans les mouvements boursiers du
passé peut lever certaines interrogations ou incompréhensions du présent.


Bien que 2009 fût une année difficile sur
un plan économique, elle aura aussi été marquée par un très substantiel rebond
boursier. Ce n’est pas aussi étonnant que cela paraît à première vue. Ainsi,
comme le rappelait récemment Warren Buffett (faites lui confiance pour ce qui
est du recul historique), l’année 1954 connut la même combinaison de galères
économiques et de bonne santé boursière. Explication ? Le temps économique
et le temps boursier ne sont pas toujours synchronisés : en 2009, après la
lourde chute de 2008, les Bourses ont en partie corrigé un pessimisme exagéré
et anticipé un rebond (encore largement à venir) de l’économie.

Les actions sont considérées généralement
comme un placement de long terme. Or, sur 10 ans (de janvier 2000 à décembre
2009), l’investisseur en actions a perdu une partie de ses économies :
l’amateur d’actions américaines a lâché 10% (sans compter la baisse du
dollar !) et celui qui a préféré les grandes actions européennes s’est vu
délesté en moyenne de quelque 30%. Que peut nous apprendre l’histoire ?
Les années 30 présentent également une performance boursière négative. Même si
c’est rare, les Bourses peuvent ne rien rapporter pendant une très longue
période. A chaque fois, le phénomène trouve son origine dans des excès
spéculatifs. Et, en 2009 tout comme en 1933, la promesse d’intervention
étatique a permis d’apaiser les pires craintes boursières, ce qui a beaucoup
plus profité aux actions d’entreprises fragiles qu’à celles d’entreprises plus
solides.

On a donc mangé notre pain noir depuis 10
ans. Et maintenant, la promesse de rendements boursiers plantureux ? Pas
si sûr ! Regardez du côté du Japon (voici enfin l’utilité du cours de
géographie !) : après la bulle immobilière de la fin des années 80,
la Bourse japonaise a perdu sur 20 ans plus des ¾ de sa valeur et, sur les dix dernières
années, a été divisée par près de deux. Les soucis ne sont donc pas
nécessairement derrière nous, d’autant que plus d’un analyste voient de
sérieuses ressemblances entre la situation japonaise d’alors et la situation
américaine d’aujourd’hui !

La discipline financière n’est pas à sa
place dans les lycées, en tous cas pas au point de détrôner les autres matières
littéraires ou scientifiques. Mais, Mesdames et Messieurs, directeurs
d’universités et d’écoles de commerce, conservez ou renforcez les cours
d’histoire/géo à destination de vos étudiants en économie ! Ils vous en
seront reconnaissants !

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