Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Depuis plusieurs mois, nombreux sont les spécialistes qui alertent sur les inconvénients qu’il y a à laisser dormir son argent sur des comptes d’épargne n’offrant que de minuscules rendements, inférieurs à l’inflation. Y remédier passerait par la constitution d’un portefeuille diversifié d’investissements (actions et obligations).
Fort bien.
Encore s’agit-il de ne pas nourrir des attentes disproportionnées quant au rendement à venir de tels placements. Or, deux études récentes (Schroders et Natixis) menées auprès d’investisseurs de différents pays indiquent que ceux-ci sont particulièrement optimistes pour les prochaines années, s’attendant en moyenne à des rendements annuels de l’ordre de … 11%. Pire : plus ils s’affirment au fait des arcanes de la finance et plus ils sont optimistes ! Plus raisonnablement, les investisseurs feraient mieux d’envisager, pour un portefeuille de risque modéré (“neutre”) des rendements au moins deux fois moindres. La (relative) nervosité des marchés durant l’été constituera-t-elle le point de départ d’une salutaire prise de conscience ? On peut en douter. Même si, en effet, les nuages s’amoncellent, ayant pour noms tensions commerciales USA/Chine, Brexit, taux d’intérêt négatifs, Iran, Argentine, Turquie, faible production manufacturière en Occident, recul général de la productivité, etc, jusqu’ici la Bourse plie parfois mais ne rompt pas !
Or, en Bourse, l’excès de confiance est fâcheux, pour au moins deux raisons.
Primo, à terme, l’investisseur, ayant tablé sur de meilleurs rendements, risque de devoir renoncer à son projet (complément de retraite, résidence secondaire, etc), sauf à s’endetter, ce qui est toujours une aventure hasardeuse assez tard dans la vie.
Secundo, et ce danger n’est pas à sous-estimer, au fur et à mesure où la désillusion prendrait en consistance, il serait tenté de s’exposer à plus de risque qu’il ne peut en réalité supporter, s’éloignant potentiellement encore plus de ses objectifs. A l’image d’un joueur de casino qui chercherait à tout prix à “se refaire” … Pour l’investisseur, cela pourrait consister à recourir massivement aux actions individuelles, qui plus est en s’aventurant sur des sentiers peu balisés (petites capitalisations, actions technologiques, …). Or, de ce que j’entends aujourd’hui des préoccupations de nombreux petits investisseurs, leur intérêt se porte déjà beaucoup (trop) sur des actions (très) spéculatives, qu’elles se caractérisent par des fondamentaux de piètre qualité ou par des niveaux de cours manifestement excessifs. Signalons ici que, d’après de récents calculs, sur les 30 dernières années, les rendements de plus de 50% des actions cotées dans le monde ne dépassent pas celui du taux sans risque américain. (Oui, vous avez bien lu). Avec, souvent, des pertes significatives en capital à la clé.
Gardez-vous donc de tout excès de confiance ! Restez réaliste dans vos attentes et ne déviez pas des règles élémentaires de saine prudence. Ainsi, en matière d’actions individuelles (y compris celles dites “de bon père de famille”), si votre position atteint ou dépasse quelque 25% de votre avoir, sachez que vous prenez déjà un risque significatif. Quant à vos objectifs financiers à terme, s’ils sont trop amibitieux par rapport à votre feuille de routre, c’est assez simple : ou bien vous les revoyez à la baisse ou bien vous épargnez davantage.