Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Le saviez-vous ? Quelque 40% des
transactions boursières en Europe (60% aux Etats-Unis) sont le fait de firmes
financières actives dans le trading à haute fréquence (« High Frequency Trading
» ou HFT). Kekseksa ? Basé sur des systèmes informatisés ultra-puissants, le
HFT permet d’acheter et de vendre massivement des titres sur quelques
microsecondes. La recherche d’un petit bénéfice à très court terme sur chaque
titre permet, si elle est fructueuse, d’engranger in fine de plantureux bénéfices étant donné les volumes en jeu.
Récemment, le régulateur financier allemand
a décidé, au-delà de la réglementation européenne, des mesures de restriction
de ces pratiques, soupçonnées d’alimenter la spéculation et l’instabilité des
marchés. En France, sorti du bois il y a
quelques jours pour annoncer sa réforme bancaire, Pierre Moscovici, le Ministre
des Finances, prône l’interdiction pure et simple du HFT. La recette est
connue. En période de crise financière, les Etats aiment à pointer du doigt les
« méchants spéculateurs », facilement accusés de tous les maux.
Mais la mauvaise image véhiculée par le HFT
est-elle totalement imméritée ? A tout le moins, constatons que les vérités
définitives (négatives ou positives) en la matière sont rares. Par peur des
fortes fluctuations boursières éventuellement liées au HFT, certains
investisseurs ont tout simplement déserté la Bourse. Rappelons ici que certains
experts avaient pointé le HFT comme un facteur aggravant, sinon déclencheur, du
« krach éclair » qui avait frappé la Bourse de New York en mai 2010 (baisse
brutale de 5% de l’indice sans raison fondamentale). Plus récemment, un
courtier américain du nom de Knight Capital Group a perdu en quelques secondes
440 millions de dollars du fait de ses transactions automatisées. De plus, de
sérieux soupçons se font jour quant à la légalité de certains comportements
investigués par la SEC, le gendarme boursier américain. Certains opérateurs de
plateformes boursières auraient en effet cherché à s’attirer les bonnes grâces
de firmes de HFT en leur permettant de passer leurs ordres prioritairement et
donc dans de meilleures conditions. Ce qui gruge bien entendu le petit investisseur.
Les défenseurs du HFT mettent en avant les
améliorations de liquidité et l’abaissement du coût de transaction (réduction
de l’écart bid/ask des ordres). Il va de soi que l’informatisation des places
financières a permis des avancées en la matière. Mais l’apport spécifique du
HFT reste controversé. Dans un contexte boursier négatif, les algorithmes à la
base du HFT peuvent très bien suivre tous la même logique et donc priver la
Bourse d’une liquidité pourtant alors crucialement nécessaire. La liquidité
serait dès lors sujette elle-même à une forte volatilité inquiétante.
Plutôt qu’un soutien aveugle à une
intervention étatique de plus sur les marchés boursiers, ne serait-il pas
préférable que soit faite la transparence complète sur les pratiques de HFT de
façon à juger plus sereinement de leurs avantages et de leurs
inconvénients ? Il serait toujours temps alors de prendre des mesures
contraignantes. A tout le moins, le libre choix et la protection de l’investisseur
seraient mieux préservés.