« Petite chronique boursière  » – Juste une question de discipline ?

Vincent_colot Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Deux des qualités dont doit faire preuve tout investisseur sont évidentes : la discipline (ne pas changer de stratégie, sauf pour d’excellentes raisons) et la patience (aucune stratégie ne marche de façon permanente et la durée permet de bénéficier de la magie des intérêts composés, telle que soulignée par Albert Einstein lui-même).

Mais cela suffit-il ?

A lire l’aventure de Ronald Read, on serait tenté de répondre par l’affirmative. C’est typiquement le genre d’histoire dont raffolent les médias outre-Atlantique. Récemment décédé à l’âge de 92 ans, ce modeste retraité américain, laisse derrière lui, à destination d’un hôpital et d’une bibliothèque publique, une petite fortune évaluée à quelque …. 8 millions de dollars !  Et ce joli bas de laine aurait été constitué par l’investissement régulier en Bourse.

Est-ce possible ? Ronald Read, un génie inconnu de la finance ? Pas vraiment ! Menant une vie frugale, notre homme, ne gagnant qu’un faible salaire, se serait « contenté » d’investir tout au long des décennies ses économies dans les grandes actions américaines (fournissant de bons dividendes qu’il réinvestissait systématiquement), comme Procter & Gamble, General Electric ou encore Dow Chemical. Tout en portant, notons-le, une attention extrême aux frais financiers occasionnés par son portefeuille. Quelle admirable discipline a-t-il fallu à cet homme pour obtenir ce résultat ! En prenant en compte un rendement moyen de 8% sur une durée d’investissement de 65 ans, il a dû investir en moyenne 524 USD (en dollars d’aujourd’hui) chaque mois. Cette proportion de quelque 30% d’un faible revenu (brut) devient bien entendu plus raisonnable pour un employé gagnant mieux sa vie. Tout de même, je ne sais pas ce qu’en pense Emmanuel Macron mais pour devenir millionnaire, il ne s’agirait pas seulement d’investir à bon escient : il importe également d’épargner sur une base régulière, ce qui devient d’autant plus profitable si on vit vieux, comme Ronald Read.

Un autre facteur fait indiscutablement partie de l’équation de cette « success story » américaine : la chance ! N’évoquons pas ici son choix des actions : sur la période, bonnes et mauvaises pioches ont dû se contrebalancer. Rendons-lui cette justice : il ne s’est, en règle générale, pas fourvoyé dans des investissements « foireux ». Mais il a surtout profité pendant une cinquantaine d’années d’une bourse américaine moins chère qu’aujourd’hui avec la survenance de crashs réguliers, plus ou moins importants, lui permettant d’investir à bons prix. Et cela avec, en arrière-plan, une économie nationale en expansion grâce au dynamisme démographique et au progrès technologique. La baisse tendancielle des taux d’intérêt vient parachever ce tableau favorable aux actions sur cette période.

Alors, Ronald Read, un modèle à suivre ? De nos jours, rares sont les investisseurs qui ont pour but de devenir millionnaires et … de ne jamais en profiter. Mais après tout, chacun fait comme il l’entend. Sachez juste que pour suivre l’exemple de Ronald (sans garantie de connaître la même réussite), vous vous apprêtez à une vie de privations, plus ou moins grandes selon votre niveau de revenus. De plus, même dans une perspective initiale de temps très long (un incident de la vie peut toujours survenir à un mauvais moment), n’investir que dans un seul type d’actifs (ici, les actions) d’un seul pays (ici, les Etats-Unis) n’est pas recommandé. A aucun moment, sans doute, Ronald Read n’a été suffisamment diversifié : plusieurs actions individuelles, même de grande qualité, ne font pas le compte à cet égard. J’ai évoqué ce sujet dans une de mes récentes chroniques. Et, à tout le moins, la Bourse américaine n’est pas suffisamment bon marché aujourd’hui et les perspectives économiques semblent moins propices qu’à l’époque de Ronald Read, même si, à l’avenir, de nouveaux crashs sont sans doute prévisible, fournissant des portes d’entrée intéressantes en terme de valorisation. Un portefeuille de fonds diversifié internationalement, éventuellement agrémenté d’une sélection d’actions bien choisies, reste le meilleur moyen de placer son argent.

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