« Petite chronique boursière » : La checklist, un outil injustement méconnu au service de l’investisseur

Vincent_colot
Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Mieux vaut
qu’il n’y pense pas trop ! Etant donné la complexité d’une économie
mondialisée, l’incroyable richesse de l’information disponible à traiter et la
rude concurrence d’une multitude de professionnels aguerris équipés
d’ordinateurs surpuissants, tout individu normalement constitué hésiterait à se
lancer dans l’aventure de l’investissement en actions …

Et
pourtant, le défi est passionnant ! Et il peut être relevé à condition de
prendres quelques précautions. En effet, sans préparation, le cerveau humain
peut mener l’investisseur assez rapidement sur de mauvaises pistes.

En
particulier, le cerveau tend à surpondérer l’information qui est la plus
aisément disponible, à savoir l’information la plus récente et la plus
choquante. En bref, celle qui fait la une des journaux.  Rester captifs de l’information sensationnelle
n’est pourtant pas une bonne façon d’aborder l’épineux problème de la surcharge
d’informations.  L’investisseur est en
effet alors tenté rapidement d’en tirer des conclusions hâtives. Avec le plus
souvent des déconvenues à l’arrivée. Prenons ici l’exemple de tous ces
investisseurs qui auraient vendu (ou n’auraient pas acheté) d’actions au moment
où les informations les plus alarmistes circulaient quant à la situation
économique et financière mondiale à l’automne 2008 (après la chute de Lehman
Brothers) ou au printemps 2009. Certes, une certaine prudence était sans doute
de mise. Mais, à l’aune de la remontée des bourses depuis lors, un pessimisme
exagéré a privé beaucoup d’investisseurs d’un substantiel rendement !

Être tributaire d’un passé trop récent et l’extrapoler à l’avenir constituent le
danger suprême pour le néophyte, et même parfois pour l’expert qui, pris par
surprise, serait désarçonné. Une vision du monde erronée ne peut conduire qu’à
des diagnostics et des décisions désastreux.

Continuer à
fouiller l’information n’est pas forcément la bonne solution pour s’en sortir :
en effet, toute personne a tendance à privilégier l’information qui confirme sa
première analyse plutôt qu’à accepter des informations contradictoires. Et
d’ailleurs, au milieu d’une masse d’informations dont la plupart ne constituent
que du bruit (au sens statistique du terme), comment dégager le bon grain de
l’ivraie ?

Pas de
panique ! Eviter ces redoutables écueils tout en renforçant la productivité de
la recherche d’informations réellement significatives est à portée de main de
tout investisseur bien organisé. Pour y parvenir, il a tout intérêt à se munir
d’une “checklist” (une liste de contrôle) qui renforce sa discipline en
l’obligeant à vérifier tous les points importants en vue de prendre une bonne
décision. Il ne subit plus dans ce cas l’information mais il contrôle le
processus de recherche en sachant, a priori, quoi et où regarder. C’est déjà ce
que font les pilotes d’avion avant le décollage. Et c’est ce que font de plus
en plus les chirurgiens pour éviter les erreurs médicales. Dans “The Checklist
Manifesto”, un récent petit livre qui a connu un grand retentissement
Outre-Atlantique, Atul Gawande qui est un journaliste de renom au New Yorker s’est
ainsi penché sur les bienfaits de l’utilisation d’une checklist dans plusieurs
domaines de la vie professionnelle ou privée, surtout dans les situations de
grande complexité.

Fort bien,
me direz-vous.
Mais que
doit donc comporter une telle checklist ?
En bon Normand que je ne suis pas, je vous
dirai : cela dépend ! Cela dépend en effet de votre style d’investisseur et de
quels types d’informations vous avez besoin, VOUS, pour juger de l’opportunité
ou non d’un investissement. Et, bien entendu, vous ne pouvez savoir cela
qu’après vous être frotté depuis déjà un certain temps à la Bourse.

Dans le
guide pratique sur la Bourse que j’ai co-écrit en 2004 avec mon collègue Pierre
Samain, “Investir en Bourse. Pour une stratégie gagnante à la portée de tous”, nous
avions déjà dressé une checklist qui peut être un bon point de départ pour tout
investisseur débutant, en ce qu’elle cherchait surtout à éviter les plus gros
pièges (à savoir ceux qui sont susceptibles de faire perdre le plus d’argent) :

  1. Analyse quantitative : la
    capitalisation boursière (ni trop grande ni trop faible) et le rapport
    Prix/Valeur comptable des fonds propres.
  2. L’épreuve des cartons rouges : éviter les actions cotées depuis peu
    de temps, les entreprises ayant eu recours à des fusions/acquisitions
    importantes et récentes, les entreprises trop endettées, les entreprises
    trop diversifiées, les ennuis judiciaires.
  3. Les conditions d’un feu vert : évaluation de la stratégie (avantage
    concurrentiel, clarté, croissance raisonnable, présence sur les marchés
    adjacents), évaluation des résultats sur les 5 dernières années (chiffres
    d’affaires, bénéfices et cash flows), évaluation de la qualité des
    dirigeants (politique financière et gouvernement d’entreprise).
  4. Rassembler tous ces éléments de façon à donner une appréciation
    d’ensemble.

Il va de
soi que cette liste n’a pas vocation à rester figée à tout jamais.
L’investisseur qui s’en inspirera aura à coeur de la compléter et de la
modifier pour la faire correspondre à son propre tempérament et à ses propres
compétences.

Mais le but aura été atteint : appréhender le réel sans se laisser déborder par lui et préparer la décision finale sans être la proie de ses émotions et d’une information mal digérée.

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