Petite chronique boursière : « La jeunesse en danger ? »

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Certains d’entre vous le savent ou l’ont deviné au fil de mes chroniques : je suis Belge …

Pour reprendre les termes d’Osgood Fielding III (joué par Joe E. Brown) à Jerry travesti en Daphné (joué par Jack Lemmon) (une fois que le second eut dit au premier qu’il ne pouvait se marier avec lui puisqu’il était un homme) dans le magnifique “Some like it hot” de Billy Wilder (chef d’oeuvre de la comédie américaine de 1959) : “Personne n’est parfait !”.

Certes, mais si vous désirez communiquer ce qui va suivre à un(e) enseignant(e) de vos connaissances, merci de ne pas dévoiler mon nom. Je ne voudrais pas de problèmes à la frontière lors de ma prochaine visite dans l’Hexagone 😉

Or, donc …. la semaine prochaine (à partir du 12 mars), des milliers de classes de l’enseignement primaire et secondaire belge participeront à toute une série d’activités ludiques qui auront pour thème l’argent au quotidien. Cette initiative, qui en est à sa troisième édition, émanant du monde des médias et des autorités fédérales, a pour objectif de sensibiliser un jeune public aux questions économiques et financières de base. Existe-t-il un projet similaire en France ? J’avoue ne pas le savoir mais si c’est le cas, je doute qu’il soit aussi largement partagé dans les écoles de la République.

Si l’on met de côté, comme il se doit (ou devrait), tout réflexe idéologique (en gros, “l’argent, c’est sale ; préservons-en les enfants”), comment ne pas approuver une telle démarche ? Chez Test-Achats, célèbre association belge de défense des consommateurs et épargnants, là où je travaille, nous assistons régulièrement des personnes confrontées à des difficultés financières les plus diverses. Et, plus souvent qu’à leur tour, ce sont des jeunes qui se retrouvent victimes des dossiers les plus lourds (surendettements, escroqueries, …). Si l’aide que nous pouvons alors apporter est significative, nous ne pouvons que regretter les graves lacunes observées notamment chez les plus jeunes en matière, par exemple, de gestion d’un budget domestique. Naïveté, indifférence, ignorance ? Il est probable que ces 3 facteurs entrent en jeu. Le constat est là : étude après étude, enquête après enquête, un peu partout dans le monde (à la notable exception de la Chine !), il apparaît que les jeunes ne sont pas suffisamment équipés face aux questions financières.

Et, pourtant, ils sont exposés de plus en plus tôt aux réalités de la société marchande. Sans revenir sur les plus graves difficultés rencontrées par certains, il nous faut bien admettre qu’ils constituent des proies idéales pour ceux qui veulent profiter de leur inexpérience. Comment ne pas s’inquiéter, par exemple, lorsqu’une starlette de la télé-réalité leur vante, sur les réseaux sociaux, les mérites des crypto-devises parce qu’elle connaît “une fille qui travaille avec un trader qui est à fond dans le bitcoin, la monnaie du futur” ? Mais aussi, plus communément, un jeune peu formé à la lecture (et à la compréhension) d’un contrat rempli de termes juridiques et financiers (dans le cas d’un bail, crédit, assurance, etc.) ne fera que par chance un bon choix.

Il n’est évidemment pas question de vouloir transformer des adolescents en hommes/femmes d’affaires ou en investisseurs aguerris. Mais commencer par leur apprendre la différence entre une dépense courante et un investissement, leur montrer les pièges de l’endettement et du surendettement, les inciter à épargner et investir assez tôt dans la vie active, voilà qui serait déjà un pas de géant.  Des notions d’économie plus générales comme les taux d’intérêt, l’équilibre des comptes publics ou encore la rentabilité des entreprises pourraient être introduites au fur et à mesure de leur avancée en âge. Vous l’aurez compris : je n’ai évidemment aucun problème à la conscientisation des enfants aux questions de développement durable mais ce ne doit pas être leur seul contact avec la réalité économique.

Bien entendu, les parents ou grands-parents que nous sommes, pouvons jouer un rôle important à cet égard. Mais ce ne peut être suffisant. Trop d’adultes aujourd’hui se retrouvent dans des situations financières précaires que pour servir d’exemples utiles à leur progéniture. C’est pourquoi l’école doit impérativement intervenir dans ce processus, au-delà de l’initiative déjà intéressante de la semaine prochaine. Faut-il des cours dédiés, au détriment d’une autre matière déjà enseignée ? Peut-être pas. Dans certains pays, des expérimentations sont conduites visant à enseigner quelques principes de base de la finance dans les cours de maths ou de citoyenneté. Encore s’agirait-il alors de former correctement les professeurs, jusque dans l’enseignement supérieur.

Donner à nos enfants un maximum d’atouts pour qu’ils deviennent demain des adultes libres et responsables est un objectif qui nous paraît difficilement contestable. Cela passe par une (in)formation correcte des réalités économiques et financières Car, cela va de soi, l’économie est chose trop grave que pour être abandonnée aux seuls économistes …

Et pour plus d’info sur la philosophie et le programme de la semaine du 12 mars : http://www.lasemainedelargent.be/

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