Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
En Bourse, la martingale simple et
universelle n’existe sans doute pas. Et si quelqu’un, quelque part, l’a
découverte, il se garde bien de la divulguer : en effet, une fois dévoilée
et adoptée par la masse, elle cesserait automatiquement de fonctionner. De
même, ce qui marche à un certain moment ne marchera pas nécessairement à un
autre, selon le contexte et l’humeur du marché. C’est pourquoi se baser sur un
critère unique pour choisir les actions gagnantes n’est pas réaliste. Toute
décision d’investissement passe nécessairement par un processus (tenant à la
fois de l’art et de la science) qui amène à combiner plusieurs critères.
Cette approche multi-critères doit répondre
à plusieurs exigences.
1-Indépendance
des critères
Les fidèles
lecteurs de cette chronique connaissent déjà les critères que j’ai eu
l’occasion de mettre en avant, notamment le caractère bon marché (« value »)
du titre, la faible volatilité du cours et son momentum (acheter ce qui a monté
récemment). Ces critères sont d’autant plus intéressants à combiner qu’ils sont
indépendants les uns des autres. J’entends par là qu’ils ne sont pas redondants :
ce n’est pas parce qu’une action est « bon marché » que la volatilité
de son cours sera faible ou que son momentum sera élevé. Chacun des critères
apporte donc une plus-value particulière. Formez un portefeuille avec des
actions présentant un bon équilibre entre caractère bon marché, faible
volatilité et momentum élevé et vous maximisez alors vos chances d’obtenir une
bonne performance.
2- Cohérence/complémentarité
des critères
Il ne servirait
à rien de combiner des critères qui agissent en des sens différents et qui donc
s’annuleraient. Le problème principal de l’approche « value » réside
dans son risque à sélectionner des actions qui seraient bon marché pour une
raison valable (et qui donc seraient susceptibles de rester bon marché
longtemps). Il me semble que la faible volatilité du cours (qui est un
« proxy » quantitatif pour la qualité du bénéfice) et le momentum
sont deux éléments bien choisis permettant d’éviter au mieux cette trappe à
déception.
3 – Hiérarchisation
des critères
Il a été montré
que, sur longue période, chacun de ces 3 critères avait des qualités pour
battre le marché. Faut-il pour autant les considérer à égalité ? Non. Tout
dépend du moment où vous entrez sur le marché. Il se peut fort bien qu’à un
moment donné, les actions à faible volatilité soient plutôt chères. C’est le cas
actuellement selon moi alors que les investisseurs recherchent depuis déjà un
certain temps des actions peu risquées (parmi les secteurs défensifs,
notamment, comme l’alimentation). De même les actions à fort momentum peuvent
se retrouver à des niveaux élevés de valorisation. Pensez à la possibilité
d’une bulle sectorielle provoqué par l’engouement des investisseurs pour,
par exemple, une innovation technologique : de telles actions seraient
plus proches d’un retournement de tendance (même sans doute brutal) que d’une
poursuite de leurs gains. On le voit bien : le facteur central reste
malgré tout le caractère bon marché d’une action. Les deux autres doivent lui
être subordonnés. La question est donc : parmi les actions bon marché,
quelles sont celles dont le cours est plutôt peu volatile et présente un bon
momentum ?
Encore une fois, attention ! Combiner
au mieux ces trois critères n’est pas la garantie de lendemains qui chantent.
Ce qui définit une action bon marché peut évoluer avec le temps. La pertinence
de la faible volatilité peut être un jour remise en cause si les investisseurs
deviennent moins aveuglés par l’appât des gros gains (ce qui les pousse, en
règle générale, à surévaluer les actions risquées, à forte volatilité et à
délaisser injustement les autres). Quant au momentum, il reste un facteur un
peu énigmatique : à ce titre, sa permanence n’est pas assurée.
Mais une chose me semble certaine :
investir, c’est recourir à une combinaison de plusieurs critères indépendants,
complémentaires et hiérarchisés. Saupoudrer le tout avec une bonne dose
d’expérience et d’esprit critique ne fera pas de tort.