Ne pas se tromper de cible

Vincent_colot Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

C’est une évidence médiatique : la campagne électorale en vue de la présidentielle 2012 est bel et bien lancée. Et, avec elle, son cortège de discours à connotation démagogique.

A tout seigneur, tout honneur : le 7 avril dernier, Nicolas Sarkozy décochait une première flèche en se déclarant favorable à une prime pour les salariés des grandes entreprises dans la même mesure que la prime accordée aux actionnaires. (Depuis lors, c’est Baroin qui se coltine la patate chaude).

Euh … Une prime pour les actionnaires ? Il parlait de la quarantaine de milliards d’euros de dividendes décrétée cette année par les dirigeants des entreprises du CAC 40. 

Après tout, pourquoi pas ? S’il y a de l’argent pour les uns, pourquoi laisser les autres dans la mouise ?

Sauf que … Sauf que, pour un actionnaire, recevoir un dividende ne constitue pas, à proprement parler, un enrichissement. En effet, si vous possédez une action d’une entreprise cotant à 100 EUR et que le management de cette entreprise décide de vous accorder un dividende de 1 EUR sur cette action , vous vous retrouvez en fin de compte à la tête d’une action de 99 EUR et de 1 EUR de cash. (Pour vous en convaindre, observez ce qui se passe pour les cours de bourse lors du détachement des dividendes.) Total : 100 EUR. Rien de changé, donc !

Nous fera-t-on croire par ailleurs que le gouvernement est subitement favorable à une augmentation des salaires (qui plus est, sur une base inégalitaire, vu que seules les entreprises en ayant les moyens s’y verraient contraintes) ? L’obsession du pouvoir (l’actuel comme le suivant) reste et restera le risque de déclassement du pays vis-à-vis de l’Allemagne qui court actuellement plus vite. Mais le succès concurrentiel de l’Allemagne ne provient-il pas pour une bonne part des modérations salariales mises en place dans le pays depuis plusieurs années ? Complication supplémentaire : en France, de telles primes prendraient vite un caractère récurrent …

Quant aux actionnaires « privilégiés », n’oublions pas si vite la crise financière qu’ils ont prise de face : il n’y a pas de mécanismes de sécurité sociale pour les sinistres boursiers ; ne négligeons pas non plus que le CAC 40, aujourd’hui, est à un niveau nettement inférieur à celui d’il y a 10 ans …  

En vérité, l’injustice (car il y en a une) ne réside pas dans cette distribution de dividendes. Certes, les entreprises se retrouvent le plus souvent actuellement avec un gros tas de liquidités dont elles ne savent que faire. Mais en rendre une bonne part aux actionnaires est, à tout prendre, une meilleure solution que de l’investir dans des projets mal ficelés ou porteurs à termes de surcapacités de production, dont tout le monde sort perdant. Ce qui me ramène à un autre raccourci présidentiel saisissant : souvenez-vous de cette fameuse règle des 3 tiers qui avait été un temps évoquée : 1/3 de la valeur ajoutée aux salaires, 1/3 aux actionnaires et 1/3 aux investissements dans l’entreprise. Si gérer une entreprise était aussi simple et automatique, cela se saurait ! Rendre de l’argent aux actionnaires est aussi un bon moyen de réduire au sein des entreprises les dérapages et le creusement des inégalités effectué par des salaires exhorbitants et des dépenses somptuaires au bénéfice des seuls dirigeants.

Car l’injustice, elle est bien là : le capitalisme des actionnaires est moins à pointer du doigt que la création d’une caste de dirigeants exagérément payés en regard du travail effectué et des performances réalisées. Les salaires et autres stock options de ces « importants » ont retrouvé, voire dépassé dans certains cas, leurs niveaux d’avant la crise. Et s’il y a un rééquilibrage à effectuer, c’est bien celui de l’écart entre les salaires des employés et ceux des dirigeants et hauts cadres de nos entreprises. Sur le pur plan de l’efficacité opérationnelle, il est d’ailleurs difficile de fédérer une équipe autour d’un projet commun si ces deux catégories de personnel vivent sur des planètes radicalement différentes.  Progressivement, mais encore bien trop lentement, les actionnaires se saisissent de cette question lors des assemblées générales. Ils doivent faire plus sur ce sujet, jusqu’à revendiquer de décider eux-mêmes des émoluments de leurs dirigeants. Mieux intégrer les salariés dans les conseils d’administration et autres comités de surveillance donnerait également un coup de pouce … 

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