Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier
Le presse financière fait souvent figure de miroir aux alouettes, regorgeant d’articles aux titres ronflants :”Cette action est absurdement bon marché”, “Devenez riche en quelques mois grâce à cette stratégie imbattable”, ou encore “Soyez parmi les premiers à profiter de cette tendance de fond qui n’a été identifiée que par quelques professionnels avisés”.
Vendre, vendre, vendre … D’abord la presse financière bien entendu mais aussi, je l’ai déjà écrit dans ces colonnes, les produits financiers qui y sont cités. Les deux milieux (la presse et l’industrie financière) s’entendent comme larrons en foire !
Alors, à lire le titre de cette chronique (Soyez meilleurs que les pros !), vous seriez naturellement tenté de le ranger parmi toutes les promesses démagogiques dont vous n’auriez échappé jusqu’ici que de justesse et grâce à votre sagacité.
Ce n’est évidemment pas mon intention. Et, malgré cela, ce n’est pas non plus une provocation de ma part. Je pense vraiment qu’un “amateur” (au sens “non-professionnel” du terme) peut rivaliser avec un “pro”.
Tout d’abord, et au risque de vous surprendre, il s’agit d’admettre que bon nombre de biais dont sont victimes les investisseurs sont largement partagés entre les amateurs et les pros. Citons ici, notamment, le biais d’excès de confiance (dans ses choix de placements, dans ses prévisions, etc.), le biais de confirmation (consistant à accorder plus de poids aux informations allant dans le sens de son opinion première), le biais de familiarité (consistant à croire que l’on maîtrise mieux les investissements plus proches de ses préoccupations ou localisés dans sa région/son pays) ou encore la poursuite d’une tendance récente (il peut certes y avoir pour un temps un effet momentum mais celui-ci n’est évidemment pas éternel).
Donc, sur tous ces sujets, aucun complexe à avoir si vous n’êtes qu’un modeste amateur ! Si vous faites preuve d’une certaine humilité (précisément puisque vous êtes un amateur), vous pouvez même maîtriser ces biais mieux qu’un pro …
Ensuite, pour battre un pro, il s’agit avant tout de …. ne pas jouer au même jeu que lui. Un pro disposera toujours de plus de moyens (financiers, informationnels) qu’un amateur. Donc, si vous investissez par exemple en actions, croire que vous pourriez mieux choisir que lui les actions les plus performantes à court terme relève du voeu pieux. Or, en règle générale, un pro doit s’échiner à battre son indice de référence sans trop s’éloigner de lui (à savoir sans trop prendre de risque). Comment faire mieux que lui ? Soit vous investissez dans un fonds indicé, tant il est vrai que les indices (gestion passive) battent le plus souvent les sélections d’actions (gestion active). Soit vous optez pour une stratégie, potentiellement rémunératrice à long terme, qui vous exonère de suivre l’indice de trop près. Le pro est en effet jugé à court terme sur des bases trimestrielle, semestrielle ou annuelle : si sa performance s’éloigne trop de celle de ses pairs, il peut être sanctionné, jusqu’à perdre son job. C’est ce qu’on appelle le risque de carrière. Un risque bien connu dans la profession mais qui ne sera évidemment jamais admis face caméra ! L’amateur, lui, n’en a évidemment cure ! Il ajuste sa stratégie sur son horizon de placement, sans se préoccuper des variations de cours quotidiens, hebdomadaires ou mensuels. Cela lui évite de réagir à chaud, là où le pro pourrait se laisser tenter à multiplier les transactions et donc les frais, voire les mauvaises décisions par excès de précipitation. Terminons d’ailleurs par le luxe suprème de l’amateur : pendant longtemps, il peut …. ne rien faire et ne pas avoir une idée précise concernant l’évolution de l’économie ou des marchés. Ce n’est évidemment pas le cas du pro qui, puisqu’il est bien payé (grâce aux frais payés par ses clients), ne peut pas se permettre un “Je ne sais pas” : il se sent donc obligé d’avoir en permanence un avis sur tout (à tout le moins, sur tout ce qui concerne son univers d’investissement), avec, là aussi, un risque de multiplication des erreurs.
Contrairement au pro, l’amateur est libre de poursuivre ses investissements selon son propre tempérament et en fonction de son horizon de placement. Il doit avant tout faire preuve d’humilité sur ce qu’il ne sait pas – ce qui inclut évidemment de reconnaître et corriger ses erreurs – et garder l’oeil fixé sur ses objectifs en acceptant les soubresauts boursiers. Et alors, même si son objectif initial n’était pas de battre les pros, il constatera certainement à la fin de son parcours qu’il n’a pas à rougir de sa performance.