« Petite chronique boursière  » : Tout un fromage !

Par Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

Il suffit souvent d’évoquer le nom d’une entreprise pour y associer spontanément une “catastrophe” industrielle (ou un scandale retentissant) qui a fait les gros titres des journaux des semaines durant. Pensons à Union Carbide et Bhopal, BP et le Golfe du Mexique ou encore VW et les émissions polluantes. A chaque fois, bien entendu, le cours de l’action de l’entreprise concernée (pour peu qu’elle soit effectivement cotée en Bourse) chute lourdement dans les heures qui suivent la révélation du problème. L’image de marque est durablement abimée et la facture à acquitter (réparation des dommages, indemnisation des victimes, …) se chiffre généralement en milliards de dollars.

Si de telles occurrences de grande ampleur restent relativement rares, les actionnaires n’en sont pas moins à l’abri de revers boursiers significatifs déclenchés à l’occasion d’événements d’apprence anodine, nettement moins médiatisés, comme par exemple la publication de résultats.   

Ainsi, le 22 février dernier, le cours de l’action Kraft Heinz chutait en Bourse de New York de 27% sur fond de nouvelles négatives : une massive réduction de valeur de plus de 15 milliards de dollars, un abaissement du dividende de plus de 30% et une enquête du gendarme boursier américain (la SEC) quant à certaines pratiques comptables du groupe. Un véritable enfer pour les actionnaires ! Et Warren Buffett himself, un des gros actionnaires du groupe, a été surpris ! Depuis un mois, les cendres sont retombées mais l’amertume ne s’est pas dissipée.

Des leçons à en tirer ?

D’abord, l’action du géant américain a beau être qualifiée de “défensive”, elle n’en demeure pas moins risquée. En Bourse, un secteur défensif, comme celui de l’alimentation, se définit comme peu sensible à la conjoncture économique. Rien de plus. Cela n’exclut donc pas d’autres problèmes comme, par exemple ici, dans le cas de Kraft Heinz, l’émergence d’offres concurrentes de produits jugés meilleurs pour la santé alors que les goûts des consommateurs évoluent. Dans la foulée, le dividende, parfois un peu vite célébré pour son rendement, ne doit pas être considéré comme intouchable (à la baisse).

Ensuite, Kraft Heinz a joué avec le feu. Préférant la croissance externe (Heinz rachetant Kraft en 2015) et les réductions de coûts qui s’ensuivent plutôt qu’une croissance organique basée sur l’innovation, le groupe s’est exposé à un revers de fortune. Certes, la rentabilité opérationnelle s’est d’abord améliorée suite à la fusion. Mais lorsque les ventes marquent le pas, un constat s’impose : les actifs, et notamment les marques de produits, à la base de la valorisation du groupe lors de la fusion, s’avèrent surévalués. Le roi est nu et le cours de l’action s’écroule. Le groupe aurait pu masquer ses faiblesses pour un temps encore s’il avait réussi son offre sur Unilever en 2017. Pas de regret à avoir toutefois : les stratégies d’entreprise basées sur des (grosses) acquisitions à répétition ne fonctionnent généralement pas : les cibles sont souvent surpayées car les synergies prévues (coûts et ventes) ne se matérialisent pas totalement. Un autre géant du secteur alimentaire, le brasseur n°1 mondial AB Inbev, s’en est pourtant bien sorti à coup de fusions et acquisitions successives depuis plus de 15 ans. La dernière intégration majeure en date, celle de SAB Miller en 2016, est néanmoins plus difficile à digérer. De quoi inciter certains investisseurs à la prudence, à la lumière de la mésaventure de Kraft Heinz.   

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