Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) - Consultant-Délégué ITG, premier groupe de portage salarial.
Le commerce et les services résistent à la vague du tout Internet, en retournant aux sources de la relation humaine. “Back to basics”, dit-on également. Le secteur immobilier et les agences de voyages notamment ont encore des locaux et du personnel pour conseiller et finaliser l'acte de vente. Quid du secteur des services aux entreprises ?
Dans l'article de Capital “Face à Internet, les agences de voyage tirent leur épingle du jeu”, on note que “les agences de voyage physiques ne craignent pas la concurrence d’Internet. Leur nombre est resté stable sur 5 ans, de ce côté-ci du Rhin, et a même augmenté chez notre voisin depuis 2 ans.”. Plus particulièrement dans le cas des voyages loin et chers, les clients ont passé beaucoup de temps en ligne pour se renseigner et viennent rencontrer une personne physique pour se décider pour un voyage. Le contraire du phénomène Fnac où les clients prennent l'habitude d'interroger les vendeurs, naguère considérés comme des conseillers professionnels et neutres, avant de chercher le meilleur prix sur le net !
Autre exemple : “Les professionnels de l'immobilier lancent Bien'ici pour lutter contre la concurrence”. Un métier avec beaucoup d'acteurs pas d'accords entre eux, mais subitement convaincus de s'unir pour contrer la mainmise du Bon Coin qui leur coûte cher en publicité. Bien'ici a démarré en décembre dernier avec les annonces géolocalisées, a dépassé ses objectifs de visiteurs et se prépare à développer d'autres services. Les clients vont-ils préférer les annonces, la garantie et les conseils des professionnels aux annonces, approximations et prétentions des particuliers ? Une fois encore, c'est le consommateur, le client, l'usager qui a le pouvoir au final. C'est lui qui peut choisir une économie vertueuse ou une fuite en avant au bout de laquelle il n'aura même plus les moyens de se payer du pas cher !
Ces deux exemples montrent que l'ubérisation de l'économie dont on parle tant depuis l'an dernier n'est pas forcément à sens unique ni même fondamentalement négative, à l'image des rois de la disruption : Airbnb qui ne possède pas d’hôtel, Uber qui ne possède pas de taxi. Ces groupes ont “des niveaux de financements stratosphériques”, comme le dit Bruno Teboul. Et comme l'écrit Jean-Marc Petit, journaliste à La Voix du Nord : “UberPop ne prospère qu’en proposant des contrats précaires à des « non-salariés », affamés de trouver un petit job, tout en rapatriant ses profits dans des paradis fiscaux. […] Amazon, le magasin ultime, lamine le monde de la distribution tout en ne proposant que des jobs de caristes aux cadences infernales”.
Qu'en sera-t-il des services aux entreprises ? Depuis quelque temps, on a des conseillers juridiques en ligne, à moins que ce soit des machines qui trient les questions et pré-machent une réponse. Idem pour des services de base de création graphique pour entrepreneurs solos et bien d'autres prestations soit à faible valeur ajoutée soit à faible envie de payer. Ceci ne vient pas seulement des TPE, mais commence à irriguer les PME et les plus grandes entreprises, dont les acheteurs cherchent à réduire le coût des prestations externalisées.
Seuls les services avec une véritable valeur ajoutée pourront échapper aux micro-jobs et aux algorithmes. Ces services ne peuvent être que ceux d'une personne qualifiée et professionnelle, reconnue ou recommandée, présente et réactive, à l'écoute et en interaction, avec qui le client échange réellement, comme le dit cet article de blog. Contrairement au particulier que nous sommes tous, le client professionnel peut réfléchir à deux fois avant d'acheter une prestation ou un produit de piètre qualité, qui se révèle au final d'un très mauvais rapport qualité/prix.