Pourquoi la minorité est-elle toujours supérieure à la majorité

Gilles MartinPar Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président-Fondateur du cabinet de conseil en stratégie et management PMP et co-fondateur de Youmeo un innovation Lab et conseil en innovation

Dans les décisions, on admet que le principe, quand on est plusieurs, c’est que la majorité a raison, et que la minorité doit se plier aux décisions de la majorité ; c’est le principe de la majorité, et le principe de la « théorie du jury » de Condorcet. Pourtant le pouvoir des minorités est parfois, voire souvent, voire toujours, tellement fort, qu’il impose facilement son opinion face à la majorité.

C’est Nassim Nicholas Taleb qui nous permet d’en prendre conscience, si besoin, dans son dernier ouvrage, « Jouer sa peau – Asymétries cachées dans la vie quotidienne ». Il appelle ça la « dictature de la minorité ». Et nous livre pour cela des preuves par des anecdotes bien choisies.

Prenons la nourriture halal : alors qu’un musulman ne consommera que ce type de nourriture, un non musulman sera d’accord pour consommer de la nourriture halal. Donc conclusion, pour satisfaire une minorité de consommateurs halal, les commerçants vont imposer ce type de nourriture à la majorité.

C’est ainsi qu’au Royaume-Uni, où les musulmans (pratiquants) ne représentent que 2 à 3% de la population, la viande qu’on trouve dans les magasins est très majoritairement halal. Ainsi le pouvoir de la minorité a pour conséquence une quantité plus importante de denrées halal dans les magasins que ne le justifie le nombre de consommateurs halal dans la population, et l’on peut s’attendre à ce que cette proportion converge à près de 100%.

Même phénomène avec la nourriture « bio ». Les consommateurs d’OGM transgéniques mangeront des produits bio qui n’en contiennent pas, mais pas le contraire. Il suffira donc qu’il y ait une minorité, par exemple 5%, de consommateurs de produits bio, répartis de manière égale dans la population (ce critère est important), pour que la population entière soit obligée de manger des aliments non génétiquement modifiés.

Autre exemple : une réunion en Allemagne dans une salle de conférences, pour une entreprise internationale. Si une personne dans la salle ne parle pas allemand, la réunion se fera…en anglais, dans ce genre d’anglais « dénué de toute élégance qu’on parle dans les entreprises du monde entier ».

Cette histoire de minorité qui prend le pouvoir sur la majorité peut avoir une face sombre et une face optimiste.

La face sombre, c’est le dilemme qui se pose à une majorité pour savoir si elle doit tolérer ses ennemis. La question est : « Seriez-vous d’accord pour interdire la liberté de parole à tout parti politique dont la charte prévoit l’interdiction de la liberté de parole ? ». C’est-à-dire : Une société qui a choisi de se montrer tolérante doit-elle se montrer intolérante vis-à-vis de l’intolérance ? Si l’on considère qu’une minorité intolérante peut prendre le contrôle de la démocratie, et donc la détruire, la réponse, selon Nicholas Taleb, est oui. C’est pourquoi, comme il l’exprime, nous devons nous montrer intolérants avec certaines minorités intolérantes. Sinon « L’Occident est en train d’aller droit au suicide ».

Mais il y a aussi une face optimiste à ce pouvoir de la minorité, qui parle à tous ceux qui ont envie de changer le monde : Il suffit d’une poignée de gens intelligents pour changer le monde. Les révolutions sont le fait d’une minorité obsessionnelle, et la croissance, économique ou morale, de la société tout entière, est due à un petit nombre de personnes, qui ont imposé leurs vues aux autres. Une poignée de gens minoritaires suffit à faire bouger les lignes.

Alors pour être libre, et changer le monde, vive les minorités, qui font basculer les majorités en les influençant.

Bonne rentrée !

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