Par Valérie Weill (chroniqueur exclusif)– Consultante et accompagnatrice en création/développement d’entreprise
Depuis plusieurs années, la création d’entreprise au féminin ne dépasse pas les 30% en France. Outre les freins classiques communs à tou(te)s les entrepreneur(e)s, comme par exemple la peur de l’échec, nous avons pu observer par notre pratique quotidienne de l’accompagnement des femmes créatrices d’entreprise, des spécificités, des doutes et des freins qu’éprouvent plus particulièrement les femmes face à la création d’entreprise.
Les difficultés liés à l’organisation des sphères privées et professionnelles
Par exemple, un des moteurs de la création au féminin semble être le fait de pouvoir en étant chef d’entreprise – mieux gérer sa vie privée, familiale et sa vie professionnelle, car pas de comptes à rendre à un patron, une plus grande souplesse horaire et d’organisation,… Or, comme nombre de mamans entrepreneuses le constatent, notamment Céline Fénié, gérante du site d’e-commerce www.mamanshopping.com et auteur du blog à l’humour grinçant http://mamanetentrepreneuse.typepad.fr, la conciliation des temps de vie lorsqu’on est chef d’entreprise n’est pas si évidente, ni si confortable qu’il n’y pourrait paraître… Cela reste en effet la course le matin pour préparer et emmener les enfants à l’école ou la crèche (quand on arrive à faire valoir son statut pour avoir une place malgré l’absence de feuilles de paye à présenter…) ; puis la journée de travail avec un rythme soutenu, pour ensuite en fin de journée récupérer l’un à la crèche, l’autre à l’école ou au judo ; sans bien sûr oublier le lot quotidien : les courses pour remplir le frigo, le bain, les devoirs, les repas + la vaisselle, les lessives, le repassage et un brin de ménage pour les moins crevées d’entre nous… Bien entendu, ce rythme effréné peut être allégé par un conjoint compréhensif et adepte du partage des tâches, mais statistiquement c’est encore loin d’être la majorité … Bref, on peut continuer à parler de double, voire triple journée, du moins tant que les revenus de l’entreprise ne permettent pas d’avoir une aide à domicile. Comme je l’ai entendu à un colloque sur l’entrepreneuriat féminin – une jeune maman entrepreneuse soulignait avec humour que lorsqu’elle rentrait chez elle, elle n’avait pas de femme qui l’attendait…
Bref, tous ces aspects, les femmes s’en doutent bien et c’est pour cela qu’avant de lâcher le confort matériel et financier d’un bon salaire qui tombe à la fin de chaque mois, elles y réfléchissent à deux fois ! D’autant qu’avec la conjoncture actuelle, elles savent bien que si elles rentrent dans des difficultés financières, elles pourront affecter leur couple et leur famille. Il faut donc qu’elles aient une foi et une motivation inébranlable en leur projet pour passer vraiment à l’acte.
Le soutien des proches
Il leur est utile – même si elles sont majoritaires à la tête de leur entreprise – qu’elles aient un fort consentement de leur conjoint. Car sans ce feu vert, nombre d’entre elles stoppent tout, par crainte de déséquilibres dans leur couple.
En effet, le risque est grand de se voir reprocher trop tard leur forte implication dans la phase de démarrage de la société, leur manque de rentabilité au départ et leur indisponibilité pour le reste de la famille, si elles n’ont pas obtenu un réel accord de leur conjoint. Sans compter parfois qu’une petite pointe de jalousie ou d’agacement dans la sphère privée vient poindre devant cette « pseudo liberté » affichée par les créatrices… Elles peuvent subir également le manque de reconnaissance de leurs activités de la part de leurs proches, car elles peinent à leur faire comprendre qu’elles travaillent certes à la maison, mais que la maison est donc réellement devenue leur bureau et pas un lieu de dilettantisme !
Quelles sont les qualités de celles qui entreprennent malgré tout
Il est – à nos yeux – capital d’encourager les femmes et de bien leur faire prendre conscience des réalités qui les attendent en tant que chef d’entreprise. C’est pourquoi je remarque que les femmes qui créent leur entreprise ont généralement un rêve très fort en tête, une bonne estime et confiance en elles, la volonté de relever un défi et d’obtenir de la reconnaissance pour elles mêmes. Elles ont aussi un désir puissant qui passe au delà de toutes les craintes et savent s’entourer, chercher des points d’appui, des mentors et développer leur réseau pour ne pas ressentir une trop grande solitude. Elles sont prêtes à prendre des risques et disent haut et fort ce qui leur convient ou pas – que ce soit dans le domaine professionnel ou privé. Elles savent aussi qu’il faut de la patience pour réaliser les premiers bénéfices, pour trouver le bon rythme de travail, la bonne organisation entre vie privée et vie professionnelle et qu’il faut savoir réadapter régulièrement leurs objectifs à l’évolution de leur business.
Enfin dernier trait de caractère présent chez les créatrices d’entreprise, elles sont particulièrement persévérantes et résistantes face à l’adversité et aux contretemps ; car elles ont conscience d’avoir fait un véritable choix de vie, plus épanouissant, plus riche et plus palpitant que la vie de salariée. Leur liberté a donc un prix, certes, mais il n’est rien au vu de toutes les satisfactions personnelles qu’elles tirent de leur entreprise et de la fierté du fruit de leur travail. C’est pourquoi j’espère que les femmes seront de plus en plus informées et formées sur la création d’entreprise et ses réalités, afin que peu à peu, l’entrepreneuriat féminin dépasse enfin en France le seuil fatidique des 30% !