Par Gilles Martin (chroniqueur exclusif) – Président du cabinet de conseil en stratégie et management PMP
Motiver ses collaborateurs, se motiver soi-même, dans nos entreprises, dans le travail : une histoire sans fin.
Dave Ulrich, spécialiste international de la gestion des talents, et auteur de nombreux best-sellers sur le sujet, consacre son dernier livre à ce sujet (« The why of work »). L’objectif est simple : au lieu de vous demander pourquoi vos collaborateurs ne travaillent pas plus et mieux, demandez-vous pourquoi ils travaillent.
Car des collaborateurs motivés, qui s’engagent, on en rêve tous, forcément.
Et se motiver soi-même, n’est ce pas la meilleure façon de travailler, de s’épanouir dans sa vie professionnelle.
Dave Ulrich identifie deux axes dans la motivation au travail : l’axe de la motivation par l’accomplissement, la recherche de défis et de résultats, et un autre axe, l’axe des relations, de la connexion avec plein de gens. Et, avec ces deux axes, on obtient une jolie matrice carrée, avec quatre types de motivations.
Première catégorie : ceux qui privilégient l’accomplissement, et accordent moins d’importance aux relations et connexions.
Pour ceux là, s’accomplir, c’est agir, faire des choses, prendre des risques, être dans la compétition.
Cette forme de motivation peut avoir sa face nuisible : ce sont les collaborateurs qui sont tellement dans cette volonté matérialiste de réussir qu’ils en arrivent à se convaincre que réussir, c’est faire chuter les autres ; il faut un gagnant et un perdant ; au point d’être de vrais « tueurs » avec leurs collègues et leur entourage.
Mais dans une version positive, cette motivation produit des individus et des collaborateurs plein d’énergie, qui ne se découragent pas, sont toujours à rechercher les améliorations, les défis, l’excellence. Pour eux, ce qui compte, c’est « gagner ».
Une organisation a besoin de ce type de collaborateurs pour donner le sens du business et de l’action à l’entreprise, et ces collaborateurs l’incarnent parfaitement. Ils sont performants dans les missions de développement, de projets de changements. Ils sont les candidats adaptés pour être les managers de l’organisation qui définissent les objectifs, donnent les feedbacks, organisent les plans d’actions délèguent les rôles et responsabilités de chacun.
Mais, forcément, une entreprise ne peut être uniquement constituée de ce type de collaborateurs.
Deuxième catégorie : ceux qui privilégient les relations, et accordent moins d’importance à l’accomplissement
Ces collaborateurs placent leur motivation dans les rencontres qu’ils font avec les autres, dans leur réseau, dans la diversité des contacts.
Dans une version nuisible, ces collaborateurs sont les bavards qui aiment bien discuter avec tous le monde, qui échangent sur tout et n’importe quoi, qui aiment les ragots, les connaissent tous, mais qui, dans une atmosphère de travail en équipe, perturbent et ralentissent les autres.
Mais dans une version positive, ces collaborateurs apportent, grâce à leurs qualités de « connecteurs », ce qu’il faut pour que les équipes fonctionnent, leur écoute, leur empathie.
Ils sont performants dans ces rôles de managers, d’entraînement, de construction des programmes. Ce sont les meilleurs « agents du changement ». Dans les métiers de service, chez les consultants, ils sont précieux.
Troisième catégorie : ceux qui se motivent à la fois par l’accomplissement et par les relations. Dave Ulrich appelle ça l’ « empowerment »
Ceux là cherchent l’accomplissement, les résultats, en investissant au maximum dans les hommes et les relations humaines. Pour eux, réussir ( ce qu’ils veulent), c’est satisfaire aussi les aspirations humaines. Et ces aspirations dépassent celles de leurs collègues ou de leurs employés ; non, pour eux, la motivation, c’est aussi faire du bien pour l’humanité. Ils veulent du sens dans ce qui les motive. Leurs aspirations sont comme une étoile.
Dans une version plus nuisible, ce sont ceux-là qui vont « forcer la main » à leurs collaborateurs, « mettre la pressions », car ils sont tellement convaincus de leur volonté que personne n’a le droit d’avoir une autre opinion. Tout le monde doit suivre. Et cela peut être, pour les autres et leurs collaborateurs, difficile à vivre et à accepter.
Mais dans sa version positive, ces collaborateurs constituent les leaders de l’entreprise, ceux qui ont la volonté et savent, par leur inspiration, entraîner les autres, leurs faire sentir le pourquoi du travail, communiquer les objectifs, les ambitions.
Quatrième catégorie : ceux qui ne cherchent ni accomplissement, ni relations. Dave Ulrich appelle ça « Insight ».
Ces collaborateurs aiment la beauté de leur métier, la réflexion intérieure, le travail bien fait. Ils ne sont ni dans la compétition, ni ne cherchent à se faire des relations, au contraire.
Forcément, dans une version nuisible, on pense à ces individus un peu sauvages, « asociaux », qui ont du mal à s’entendre avec les autres. Pas facile de leur trouver une place dans l’entreprise.
Mais dans une version positive, ce sont les collaborateurs passionnés par les idées nouvelles, les théories, qui savent voir dans des détails ce que personne n’aura vu.
Ce sont ces collaborateurs qui savent comprendre le passé, qui apprennent des difficultés, et qui imaginent le et les futurs.
Dans une organisation, ils apportent un contrepoids à ceux qui sont dans l’ « empowerment », emportés par leurs passions ; ils tempèrent les ardeurs, ils aident à réfléchir avant d’agir.
Pour l’entrepreneur, le dirigeant, le manager, le consultant, prendre conscience de ces quatre types de motivation, c’est gérer un portefeuille de nos collaborateurs et relations. C’est être soi-même capable d’aller chercher, selon les circonstances, la forme de motivation la plus adéquate. Car la leçon optimiste de Dave Ulrich, c’est qu’il n’y a pas de bon motivé et de mauvais motivé. Toutes les formes, dans leur version positive, apportent à l’entreprise, à l’entrepreneur. Et l’on change de motivation selon les circonstances.
D’où l’intérêt de construire les bonnes équipes avec cette grille de lecture.
Y compris lorsque l’on recrute un nouveau collaborateur. Le sujet de la motivation, et de la bonne place de cette motivation dans l’entreprise, est majeur pour intégrer au mieux les nouveaux et développer la dynamique collective de cette motivation.
Alors, comment ne pas être motivé pour s’en préoccuper ?