Quand l’actionnaire est le dindon de la farce …

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

En ces temps de grogne sociale, où l’actionnaire, notamment, revêt une fois de plus les oripeaux défraîchis de l’ennemi de classe (ce qu’il est en partie, inutile de se le cacher), il ressortira de cette chronique qu’il peut également se retrouver, loin de l’image populaire du rentier auto-satisfait (ce qu’il ne devrait jamais être), l’otage d’hommes d’affaires peu scrupuleux.

Il n’y a quasiment aucune chance pour que vous ayez déjà entendu parler des SPAC. Comme bien d’autres acronymes boursiers anglo-saxons, ces Special-Purpose Acquisition Companies, tels que Silver Run Acquisition Corp II (aux Etats-Unis) ou encore Mediawan (en France, dans les médias), n’évoquent probablement rien pour vous.

Ce sujet semble néanmoins emblématique des dangers encourus par des investisseurs à la recherche frénétique de placements intéressants en ces temps de taux d’intérêt historiquement bas. Et ces pièges semés sur la route des investisseurs ne sont pas forcément teintés d’illégalité, comme nous allons le vérifier dans le cas des SPAC, phénomène encore marginal, pratiquement à l’arrêt dans la foulée de la crise financière de 2007/08 mais qui reprend de la vigueur.

« Si ces benêts d’actionnaires sont victimes de leur propre cupidité, je ne vais pas les plaindre. On n’a pas la même définition de la lutte sociale », pensera le manifestant de la rentrée automnale. Ne lui donnons pas tout à fait tort. Un bon investissement exige prudence et informations précises. Celui qui ne sait pas où il met les pied ne doit pas s’étonner de se retrouver en terrain miné.

Mais de quoi s’agit-il au juste ?

En investissant dans une société SPAC (dans un premier temps sans activité opérationnelle, donc une boîte vide) via une introduction en Bourse, les investisseurs accordent leur confiance à une équipe de managers, souvent en fin de carrière avec une assez bonne réputation , en vue de procéder dans un certain délai à l’acquisition d’une ou plusieurs entreprises, généralement non cotées, d’un secteur économique déterminé. Même si l’aval des actionnaires sera finalement requis avant toute acquisition, il s’agit typiquement d’un chèque en blanc accordé à quelques personnes dans l’attente de la désignation de l’entreprise qui sera rachetée.

Appâtés par les succès souvent mis en avant des investissements dans les entreprises non cotées (« private equity »),  les investisseurs sont ravis de « l’aubaine », d’autant qu’ils bénéficient de plusieurs garanties : l’argent qui a été levé est bloqué sur un compte jusqu’à l’acquisition de la cible et si aucune acquisition ne survient dans le délai prévu (souvent 2 ans), ils sont remboursés.

Mais, comme souvent, le diable est dans le détail, lui-même peu susceptible de parvenir aux oreilles de l’investisseur lambda. Ayant souscrit à des parts (actions et warrants), à des conditions très avantageuses (en gros, pour une bouchée de pain), avant l’introduction en Bourse, les managers ont tout intérêt d’abord à trouver une acquisition et ensuite à convaincre les investisseurs du bien-fondé de leur choix. Car les parts des managers ne valent rien en l’absence d’acquisition. Peu leur importe, finalement, que cet investissement se révèle par la suite intéressant ou non. Leur rendement est immédiat dès que l’acquisition est décidée. Les banques d’affaires partenaires des opérations (introductions en Bourse et acquisitions) y trouvent également leur compte. Vous devinez la suite : toutes les études récentes sur le sujet démontrent que les investisseurs ayant fait confiance à ces managers « expérimentés » se retrouvent quelques trimestres et années plus tard avec des rendements décevants, souvent négatifs. On n’est finalement pas très loin du Loup de Wall Street incarné à l’écran par Leonardo di Caprio.

Et pour compliquer encore un peu plus la donne, les places boursières, désireuses de s’attacher le marché des introductions en Bourse de SPAC se livrent à une surenchère d’allègement des conditions qui leur sont exigées. Et cela, évidemment, au détriment de la protection des investisseurs. Espérons que, un peu partout, les gendarmes boursiers y mettent bon ordre dans les prochains mois.

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