Quand l’obsolescence programmée se retournera contre les banques

Vincent_colotPar Vincent Colot (chroniqueur exclusif) – Analyste financier

L’obsolescence programmée, vous connaissez ? Il s’agit de l’ensemble des techniques utilisées par certaines entreprises pour réduire la durée de vie de leurs produits, au détriment des consommateurs. Ces pratiques sont fortement décriées par les associations de défense des consommateurs. C’est le cas, notamment dans l’électroménager ou dans le high tech. Mais c’est aussi le cas, sous une forme particulière, dans les produits de placement financier.

Aux Etats-Unis, des études ont montré que, à tout moment, les fonds de placement ayant moins de 3 ans d’existence raflent la majeure partie de l’argent alors investi par les épargnants. Bien que je ne dispose pas d’une base de comparaison avec l’Europe, il ne serait pas étonnant que le Vieux Continent suive les mêmes traces avec un temps de retard. Ce n’est pas anodin. Avec le renfort d’un marketing tapageur, les banques créent sans cesse de nouveaux produits qu’elles présentent comme innovants ou comme la solution idéale pour profiter de ce qui marche alors en Bourse (une stratégie de gestion ou un secteur à la mode, par exemple). Attention ! L’innovation financière pertinente (pour le client) reste très rare et il est généralement trop tard pour surfer sur l’effet de mode du moment en Bourse : les prix pour ces actifs sont souvent déjà trop élevés et donc les rendements à en attendre trop faibles.

Les banques n’ont en fait pas le choix. Elles savent très bien que leurs produits les plus rentables (pour elles, du fait des frais ponctionnés à leurs clients), à savoir les fonds de placement gérés activement par leurs équipes, ne sont en moyenne que faiblement performants. Une fois qu’ils s’en rendent compte, au bout de quelques années, les investisseurs retirent leurs billes et il n’est pas rare que ces fonds disparaissent ou se refassent une virginité en changeant de nom ou en fusionnant avec d’autres. Les clients recherchent alors des solutions alternatives … et retombent victimes du même marketing agressif visant à la promotion de fonds trop récents pour avoir une idée suffisamment précise de la qualité de leur performance.

Mais, à ce petit jeu, les banques risquent de se trouver confrontées à la perspective de … leur propre obsolescence. Depuis quelques années, les fonds indiciels cotés (trackers ou ETF) gagnent en popularité. Ils ont comme principal avantage leur structure de coûts très légère. Et ils vont jusqu’à proposer des solutions très spécifiques aux investisseurs. Ainsi, si vous recherchez, entre autres, un fonds d’actions de pays émergents caractérisées par un haut rendement sur dividende ou encore un fonds d’actions américaines faiblement volatiles, vous les trouverez parmi les ETFs. Mais attention, l’histoire ne se termine sans doute pas là. Le progrès technologique (numérique) permettant une réduction, voire une suppression, des frais de courtage, y compris pour les particuliers, il ne se passera pas de nombreuses années avant que le petit investisseur ne puisse se constituer, de façon personnalisée et automatisée, son portefeuille diversifié d’actions respectant les caractéristiques qu’il aura lui-même choisies (par exemple : actions européennes de moyenne capitalisation, à l’exception de tel ou tel pays et/ou de tel ou tel secteur, alliant un cours bon marché et des fondamentaux de qualité).

La tendance fondamentale à la désintermédiation qui est à l’œuvre dans de nombreux domaines touche également le secteur financier. Bientôt, le marketing agressif des banques ne sera plus suffisant pour tenir captifs des clients manipulés. Mais toute liberté, pour qu’elle soit effective, s’accompagne d’un surcroît de responsabilité. Les investisseurs qui voudront s’affranchir des solutions bancaires devront mieux se former ou, plus probablement, choisir des conseillers réellement experts et indépendants.

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