Par Sophie Januel (chroniqueur exclusif) – Facilitateur en "Gestion et organisation Back-office PME" pour entreprises agiles !
Au début du printemps, j’eus quelques conversations avec des membres de différents réseaux ; nos sujets abordés furent variés mais le serpent de mer était bel et bien l’interrogation et la prospective de relations soutenues et dynamiques occidentales, scrutant le continent américain.
La conférence de La Baule était une excellente opportunité de prise de température et de tendances. Mon don de l’ubiquité fut réalisé grâce à Eric Dubois, un business developpeur en mode agile.. Merci Eric pour cette analyse t ce long point de vue.
LE CONTENU DE LA
CONFERENCE
Comme chaque année depuis 6 ans, La Baule accueille des
personnalités reconnues du monde des affaires et de la politique, – entre
ministres des finances, CEO de sociétés multinationales ou consultants de haut
vol- pour débattre des problématiques de croissance, vu du côté européen.
Cette année, la conférence a été découpée en 3 grands
pôles :
– Euromed
Investment Conference (ie, co-développement Méditerrannée/Europe)
– California Tech ShowCase (ie,
start-ups high-tech californiennes & européennes)
– Transatlantic Green Platform
(ie, développement durable)
L’OBJECTIF
– Améliorer et auditer l’attractivité européenne ;
– Analyser les politiques économiques et sociales ;
– Comprendre les besoins des investisseurs internationaux ;
– Développer les coopérations Europe/USA/Méditerranée.
A – L’EUROPE EST TIRAILLEE ENTRE PLUSIEURS BLOCS
1) L’Europe perd
non-seulement sa prééminence économique …
Le bloc Europe est concurrencé,
sur un plan capitalistique et financier par les autres blocs :
– 1.1) Dans le domaine high-tech, prééminence des
Etats-Unis (Silicon Valley en Californie notamment) sur l’Europe.
-1.2) Selon Geoffroy Roux de
Bézieux (CEO de Croissance Plus), il faut désormais compter avec d’autres
pays comme Israel, avec 1.1 Milliards de $ levé en 2007.
1.3) La Chine se transforme en
financier des Etats-Unis, comme le soulignait Jean-Pierre Raffarrin, ancien
Premier Ministre (cf, aussi analyse de Xavier Musca, Directeur du Trésor qui
indique ICI 1400
milliards $US de réserve pour la seule Chine à la fin de l’année 2007)
1.4) L’Effet Papillon:
La crise des subprimes, la
faiblesse du $US, autant de facteurs que subissent les places de marché
européennes.
On peut aussi rajouter le
développement économique de plusieurs pays (zone Asie + zone ex-Europe de
l’Est) qui pèse sur le cours des matières premières (cours du pétrôle, du blé…)
2) … mais en interne, chaque zone adopte une stratégie en solo
Lors du WIC, des régions
(Wallonie) mais aussi des pays (Espagne, Hongrie, Slovénie) ont profité de leur
présence pour démarcher les investisseurs étrangers, avec des présentations (ou
plutôt des pitches que ne renieraient pas des sociétés privées!) vantant les
mérites de leur économie :
2.1) Une compétition de l’Ouest
européen, comme la Wallonie qui indique que sa productivité est de 20%
supérieure à la moyenne européenne, l’Espagne qui souligne que l’Investissement
Direct Etranger (FDI) en 2006 est de 443 Mds USD.
2.2) L’émergence des anciens pays
du bloc de l’Est, comme la Slovénie, qui met en avant son éthique, sa position
géographique idéale entre Europe de l’Ouest et Europe Centrale, sans oublier sa
qualité de vie.
2.3) Un déséquilibre des
politiques publiques d’investissement. Ainsi, aux Pays-Bas, le niveau de
R&D et d’implication dans les NTIC est très faible, comparé à celui de la
France.
2.4) Une frilosité des
investissements privés européens qui privilégient le Capital-Développement au
détriment du Capital-Risque. Ainsi, 3i
annonçait-il il y a quelques mois l’abondon de sa politique de financement de
l’amorçage.
L’Europe est donc bien à la croisée des chemins et doit déterminer
quelles stratégies adopter pour retrouver son autonomie et ne pas être à la
merci de crises importées de blocs concurrents.
B) L’EUROPE DOIT
RETROUVER SON INDEPENDANCE
1) Un New Deal
européen:
1.1) Mettre en œuvre et appliquer un Small
Business Act réel pour développer les PME innovantes ;
1.2) S’appuyer sur le développement de l’intelligence humaine, en
investissant dans la connaissance et l’éducation. C’est ce que démontrait
brillamment Paul Wright d’Oxford
Intelligence qui indiquait que, contrairement à ce que l’on pense, les
investisseurs étrangers privilégient une implantation dans des zones où les
salaires sont les plus élevés, gage de présence de profils de haut niveau et
decompétence immédiate ;
1.3) Obligation de moderniser et surtout de standardiser le marché
du travail ;
1.4) Développer des nombreuses Silicon Valley, comme lé déclarait
en vidéo Christine Lagarde, la ministre des Finances, en annonçant
l’établissement en France de 71 clusters/pôles d’excellence ;
1.5) Profiter de la Présidence française de l’Europe pour protéger
l’innovation européenne, comme le prône Thierry Morin (CEO de Valéo), qui
expliquait notamment que l’équivalent de l’INPI (qu’il préside) au Japon
rapporte directement au gouvernement.
2) Un engagement
réel du secteur privé aujourd’hui poussif
2.1) Développer la coopétition,
comme l’illustraient Pierre Verluca (CEO de Vallourec) et DR Hiroshi
Tomono (Pdt de Sumitomo) qui collaborent depuis 30 ans en R&D et se
partagent chacun 50% des bénéfices induits sur des projets communs.
2.2) Développer des fusions,
comme celle d’Euronext avec la New York Stock Exchange, (NYSE) qui a permis,
comme le citait Catherine Kinney (VP & Head of Global Listings of NYSE
Euronext), de standardiser et donc de réduire les frais de transaction.
Continuer à séduire les investissements étrangers (FDI) en
Europe en mettant un focus sur la connaissance (knowledge) et les services,
comme le rapporte Marc Lhermitte (Partner chez Ernst & Young, et co-auteur
du Rapport « Ernst & Young’s fifth annual
European attractiveness survey, An open world »).
EN CONCLUSION:
Comme on a pu le voir, de nombreuses pistes sont proposées
pour booster la croissance européenne, mais des questions demeurent encore en
suspens :
– A) Faut-il que l’établissement de clusters/pôles de compétence
en Europe se fasse à une échelle globale ou un cluster français doit-il être en
concurrence directe avec un cluster espagnol ?
– B) De plus, chaque cluster doit-il être hyper-spécialisé par
secteur (l’un dans le high-tech, l’autre dans le développement durable) ou
chaque pôle doit-il être compétent sur tous supports?
– C) Quel degré de concuralliance/coopétition l’Europe (sous le
prisme des politiques publiques et des accords inter-entreprises) doit-elle
développer en regard de politiques protectionnistes (que ne bafouent pas la
concurrence asiatique ou américaine) ?
A titre d’exemple, si les
Etats-Unis développent une politique globale de protection de leurs intérêts
politiques et financiers, cela n’empêche pas que les Etats, comme la Californie
et le Texas de se concurrencer à l’échelle internationale, comme le soulignait
Rick Perry, gouverneur du Texas, en claironnant que la majorité des sociétés du
Fortune 500 avaient leur siège social chez lui !