Par Patrick Rey (chroniqueur exclusif) – Consultant, Délégué Régional du Groupe ITG
Crise, crise, crise !? A chaque fois, on se souvient des vraies valeurs, puis on oublie, et on recommence !? Peut-être pas cette fois-ci ! A condition de choisir d'entreprendre sur du réel. On nous dit que la grande dépression après 1929 ne ressemble pas du tout à notre récession qui n'ose pas dire son nom, en cette fin 2008 ! Cette fois-ci, des actions de sauvetage ont été menées assez vite (quelques semaines au lieu de quelques années alors) et les dégâts devraient être moindres et moins durables… La crise du pétrole, voilà 35 ans, a engagé la France dans un programme massif de constructions de centrales nucléaires. Quelles conséquences ? Une moindre dépendance énergétique, une avancée technologique, mais aussi des déchets pour les générations futures.
La bulle internet qui a éclaté au début du millénaire est plus proche de la crise des subprimes dont nous subissons maintenant les conséquences. Dans les deux cas, on retrouve la tentation des constructions faites sur du virtuel. La bulle internet s'est accentuée à partir de la frénésie des investisseurs attirés par les gains promis par les jeunes ou moins jeunes pousses du secteur des TIC (alors "nouvelles" technologies de l'information et de la communication). La crise financière actuelle s'est développée à partir des fameux "prêt hypothécaire à haut risque", accordés à des emprunteurs peu solvables (aux États-Unis). Dans les deux cas donc, trop souvent de l'illusion dangereuse qui a fait exploser une bulle devenue énorme.
Quel rapport avec les entrepreneurs ? La bulle internet a commencé avec des startup qui rêvaient de reproduire le succès légendaire des créateurs dans leur garage, comme ce fut le cas par exemple avec Apple et Microsoft, un quart de siècle plus tôt : Steve Jobs et Bill Gates étaient en effet des entrepreneurs du réel. La bulle s'est ensuite amplifiée avec les grands opérateurs de télécommunications et les grands groupes autour d'eux. En France, il y a eu la mue à marche forcée de France Telecom (que j'ai bien suivie dans une filiale que j'ai eu comme client pendant plusieurs années). Et puis, il y a eu aussi le cas Vivendi, créé de toutes pièces par un grand artiste qui a rêvé de croissance magique avec la nouvelle économie ! La Compagnie (CGE), qui était à l'origine une respectable entreprise française de services aux collectivités de plus de 150 ans, opérant dans un secteur de quasi-monopole, s'est transformée en Groupe multinational accumulant les acquisitions tous azimuts. Qui était à la barre ? Certainement pas un entrepreneur, au sens Bouygues ou Dassault ! Ces deux personnages, pourtant très décriés par beaucoup, sont des investisseurs au sens "familial" du terme. Bouygues, par exemple, n'a pas acheté de licence UMTS. Au contraire, SFR et Orange l'ont fait, sous la direction de deux "managers" non entrepreneurs — Jean-Marie Messier et Michel Bon —, qui investissaient avec l'argent de leurs actionnaires, privés ou public, au final le nôtre comme consommateur ou contribuable. Ironie de l'histoire, ces deux grands patrons étaient aux premières places d'un sondage Ipsos/Stratégies* : les professionnels de la communication les avaient alors consacrés "Hommes de l'année 2000" !!
Alors, entreprendre maintenant ? Bien entendu, et même plus que jamais !! Entreprendre pour améliorer quelque chose, comme ceux qui agissent dans l'environnement. Entreprendre pour apporter de nouveaux services ou assurer ceux qui ne sont pas satisfaits. Entreprendre en solo pour fournir des solutions ou des prestations spécifiques, comme le font les consultants en portage salarial pour leurs clients. Entreprendre dans le réel, en tous cas. Le besoin durable pour le développement du même nom est à la fois un besoin de la petite planète où nous vivons bien trop nombreux, mais aussi un besoin de sens pour chaque entrepreneur. Pour l'illustrer, deux exemples d'anciens traders, cités par la presse : cet américain ou anglais devenu plombier qui répare les toilettes et les lavabos des établissement financiers ; il déclare gagner autant qu'avant, tout en ayant perdu 20 kilos, et vivre beaucoup mieux maintenant ; ce français, ancien golden boy new-yorkais, qui a créé une fraternité religieuse dans les quartiers nord de Marseille (sujet d'Europe1, le mois dernier, avec l'interview de Nathalie Chevance). Deux entreprises bien différentes, mais avec, en tous cas, un but autre que le jeu financier, la spéculation, le jeu ou la soit disant "beauté" d'une construction mathématique complexe.
(*) Lire l'article surréaliste de Stratégies, à l'époque !